À Abidjan, le tube de cette fin de vacances a un nom, « Yves de Mbella et le viol banalisé » à la télé. À trop vouloir faire le buzz, l’animateur a porté un gros coup à sa carrière.
Abidjan sous le choc de la banalisation du viol
Ces dernières années, la Côte d’Ivoire a ouvert son espace audiovisuel à de nouvelles chaines de télévision. La RTI rivalise désormais avec la NCI, Life Tv et bien d’autres. Et il faut dire que ces nouvelles télés sont très offensives avec les programmes qu’elles proposent. Faire plus d’audience étant devenu le sport du moment, leurs personnels ne font l’impasse sur aucun concept susceptible de faire grossir les audiences.
Des débauchages de journalistes ou des contrats permettant à des journalistes de jouer sur divers tableaux, se multiplient. Des animateurs radio déjà populaires arrivent donc sur le petit écran et cette transhumance n’est peut-être qu’à ses débuts. Des personnalités à forte notoriété font la même reconversion. De grands journalistes éditorialistes de la presse écrite commencent même à s’intéresser au petit écran eux aussi, dans des rôles d’analystes ou de chroniqueurs.
Yves de Mbella, longtemps icône de Radio Nostalgie, arrive donc sur NCI – La Nouvelle Chaîne Ivoirienne avec sa double casquette. Il est autant actif à la radio que sur cette chaine de télévision. Son émission intéresse très vite le grand public comme en témoigne le récent buzz qui fait le tour du pays et de la sous-région ouest-africaine, qui pourrait porter un coup à la notoriété du présentateur. Mais personne ne maitrisant les conséquences d’un buzz, son tout dernier pourrait aussi le grandir encore plus. Le Cyril Hanouna de Côte d’Ivoire s’est risqué à un buzz auquel n’a pas encore pensé l’original français de l’animateur télé qu’il incarne en Côte d’Ivoire.
Yves de Mbella, la chute d’un buzzman ?
L’animateur n’a pas hésité à inviter sur le plateau de son émission un supposé violeur de femmes présenté comme un repenti. Même si le visage et les mimiques de ce grand ou ancien pervers laissent penser qu’il est toujours habité par ses vieux démons, le célèbre animateur a osé lui donner la parole en public. Il lui a même donné aussi l’occasion d’étaler son procédé sur cette télé à une heure de grande écoute tout en se laissant aller à des commentaires tendancieux du type « est-ce que les victimes arrivaient à jouir ».
Notons-le, l’animateur n’est pas à son coup d’essai. Dans une de ses émissions radio « Rien à cacher » sur Nostlagie, il demandait à une de ses invitées « Tu n’as rien en dessous ? » ou encore « Tu as mis une petite culotte ? Quelle couleur, juste pour nous faire fantasmer ? », avant de se lancer dans un commentaire tout aussi incroyable et réducteur « Tu es très jolie hein. Heureux ceux qui ont déjà gouté à cette chaire parce que ouais ouais… « .
Son choix par La Nouvelle Chaîne Ivoirienne est donc bien réfléchi, l’idée depuis le début a toujours été de le laisser faire ce qu’il veut du moment qu’il est rentable par l’augmentation de l’audience.
L’animateur, on peut le dire, est venu à la télé pour y reproduire les contenus du même genre. Certaines personnes ont beau vouloir trouver des excuses à l’animateur en évoquant d’autres faits plus graves commis par des politiciens en charge des biens publics, force est de reconnaitre que l’animateur n’a pas fauté, c’est sa marque de fabrique. Aligner des contenus les plus irrespectueux consommés sans limites par les jeunes ivoiriens, est ce qui a fait sa notoriété.
Cheick Yvhane, actuel Chef des programmes à NCI, qui le connaissait depuis Radio Nostalgie où il était Directeur général, sait plus que chacun de nous quel collaborateur il recrutait. Si cette chaîne avait le fonctionnement classique d’un média du rang qu’il occupe en Côte d’Ivoire, un responsable au sein de l’organigramme du média aurait interpellé Yves de Mbella sur le risque qu’il courait de proposer une telle séquence dans son émission.
Le fait est que personne n’a vraiment apprécié l’émission du côté d’Abidjan. Ce qui dans ce contenu heurte le plus le public, ce sont les commentaires de l’ex-criminel. Il n’a pas hésité à pointer les séquences les plus jouissives des souillures ou flétrissures morales qu’il infligeait à ses victimes; le tout, dans une posture ambiguë de l’animateur qui, pour le coup, va au bout de sa logique. Dès lors qu’il a pris la décision d’inviter le phénomène du jour et que l’initiative a été approuvée par la chaîne de commandement interne au média, il pouvait difficilement censurer son invité ou se montrer hostile lors de son partage d’expérience.
La HACA, la LIDDF sortent de leurs gonds
Bon nombre d’Ivoiriens dénoncent la banalisation du crime au nom du buzz. Aussi bien la chaîne que son animateur vedette sont cloués au pilori depuis le passage de l’émission à l’entente. La HACA (Haute Autorite de la Communication Audiovisuelle) a infligé une suspension de 30 jours à Yves de Mbella pour toutes émissions de radio et télévision en Côte d’Ivoire.
La Ligue Ivoirienne Des Droits des Femmes a rapidement fait un premier sit-in devant le siège de la NCI. Plusieurs jeunes femmes ont spontanément convergé devant la maison de cette télévision avant d’être dégagées par deux cargos de forces de l’ordre. Elles réclamaient l’application de l’article 360 du Code pénal de la Côte d’Ivoire qui prévoit que quiconque commet un outrage public à la pudeur est puni d’un emprisonnement de trois mois à deux ans et d’une amende de 50 000 à 500 000 francs.
Traoré Bintou Mariam, chargée de communication de la Ligue Ivoirienne Des Droits des Femmes, lors de son passage sur France 24, a eu une réaction désespérante. Pour elle, le comportement du public ou des personnalités présentes sur le plateau de l’émission, démontre combien des actes gravissimes de ce genre, sont banalisés dans le pays. Elle a pointé la particularité ivoirienne qui, malheureusement, s’amuse de tout. Elle a réclamé, en plus des sanctions de la HACA, une condamnation judiciaire de l’animateur.
Quand la justice ivoirienne se réveille enfin
Cette levée de bouclier a au moins produit des effets puisqu’une instruction a été faite avec célérité et des condamnations ont été prononcées. Yves de Mbella a écopé de 12 mois de prison avec sursis et deux millions de FCFA d’amende. Monsieur Kader Traoré, « le violeur » invité de l’émission, a pris 24 mois de prison ferme avec 500 mille FCFA d’amende. Le média s’en tire à bon compte puisqu’aucune sanction n’a été prise à son encontre pour cet outrage public à la pudeur.