Ça y est ! Le président sénégalais, M. Macky Sall, lors de son discours à la nation, en date du 3 juillet 2023, renonce à solliciter un troisième mandat de tous les…dangers.
Sénégal-Côte d’Ivoire : La politique de la terre brulée
Faut-il pour autant l’applaudir pour cette annonce ? Certains le feront, d’autres ne manqueront pas de chanter ses louanges, d’autres encore ne manqueront pas de lui tresser des lauriers et de mettre en exergue sa hauteur d’esprit pour avoir renoncé à un mandat de trop. En réalité, il n’y a pas de quoi pavoiser, juste parce qu’un président accepte de respecter la constitution de son pays, qu’il s’est engagé à défendre et qui n’autorise que deux mandats consécutifs.
Cependant, attendons de voir avant de nous prononcer définitivement. Car des précédents, il y en a eu. Un président avait affirmé urbi et orbi qu’il ne se représenterait pas pour un troisième mandant en s’adressant à son peuple, puis est revenu sur sa parole comme si de rien était ! L’Afrique, on le répète, a un immense talent. C’est un continent où la norme devient l’exception, et l’exception la norme. On applaudit un président, juste parce que celui-ci respecte des dispositions contenues dans la loi fondamentale, chose banale ailleurs !
On trouve des circonstances atténuantes et des justifications pour défendre un président qui tripatouille la constitution de son pays, pour s’octroyer un troisième mandat illégal et illégitime, tout en revenant sur sa parole donnée ! Il est vraiment temps que l’Afrique, plus précisément l’Afrique francophone, prenne le pli de respecter les textes qu’elle s’est librement donnés et qu’elle évite de se donner en spectacle, à un moment où les défis qui se posent à elle, sont légion.
Dans un avenir proche, on pourra féliciter M. Malick Sall pour avoir respecté la constitution du Sénégal, sans pour autant considérer cet acte comme extraordinaire. Respecter les dispositions de la constitution est dans l’ordre normal des choses, briguer un troisième mandat est l’exception qui doit être vigoureusement combattu. Mais on n’oubliera pas que M. Macky Sall a pris le pli d’instrumentaliser la justice sénégalaise pour étouffer, sinon éliminer ses principaux adversaires des joutes électorales. Hier c’était M. Khalifa Sall et M. Karim Wade ; et aujourd’hui M. Ousmane Sonko.
Accusé de viol et jugé pour ce chef d’accusation, M. Ousmane Sonko est acquitté, mais condamné pour un autre chef d’accusation, sorti du chapeau des illustres sénégalais, et qui n’avait jamais été évoqué tout au long du procès. Les juges sénégalais ont prononcé la sentence qui permettra de mettre fin aux ambitions présidentielles d’Ousmane Sonko, au grand plaisir du président Malick Sall. Certes, aujourd’hui, le président a officiellement annoncé qu’il ne sera pas sur le starting-block de l’élection présidentielle prochaine au Sénégal, mais il se délectera du fait que son opposant le plus farouche, M. Ousmane Sonko ne sera pas celui qui s’assiéra dans le fauteuil moelleux du palais de Dakar, grâce aux contorsions de la justice sénégalaise. Et cela suffit à son bonheur.
Autre lieu, autre suspens : la Côte d’Ivoire
On se rappelle, il y a quelques années, que le chef de l’Etat ivoirien, avait lui aussi annoncé à la nation, qu’il ne se présentait pas à l’élection présidentielle de 2020, après deux mandats consécutifs. Il avait même promis de remettre le pouvoir à une nouvelle génération. Mais à la disparition du dauphin choisi, le chef de l’Etat revint sur sa parole pour briguer un troisième mandat, ou selon ses thuriféraires, le premier mandat de la troisième République.
Cette volte-face qui viole manifestement la constitution ivoirienne, ne fut pas au goût de l’opposition, qui lança la désobéissance civile, violemment réprimée, avec à la clé des pertes en vies humaines. Aujourd’hui, à moins de deux ans de l’élection présidentielle, le suspens quant à une candidature du chef de l’Etat pour un quatrième mandat, ou le deuxième mandat de la troisième République selon ses soutiens, reste entier.
Des voix s’élèvent au sein du Rhdp pour solliciter la candidature de M. Ouattara. Cependant comme au Sénégal, on s’échine concomitamment à mettre hors compétition M. Laurent Gbagbo. Ici aussi, la justice a joué sa partition, avec une parodie de procès, au terme duquel, le président du PPA-CI a été condamné à 20 ans de prison. De ce qui précède, M. Laurent Gbagbo n’est donc ni électeur, ni éligible. Et si par extraordinaire, M. Alassane Ouattara n’est pas candidat pour un quatrième mandat, il aura la satisfaction de voir son adversaire le plus redoutable, absent du starting-block pour 2025. Et on peut imaginer la jubilation qui sera la sienne et surtout celle des militants du Rhdp.
Cette politique de la terre brûlée, à laquelle s’adonnent les présidents africains francophones en instrumentalisant la justice, pour éliminer des adversaires, est des plus abjecte, et doit être combattue avec énergie. Il ne leur revient pas de décider à la place du peuple. Quid du président Bédié ? Certainement que des officines sont en profonde réflexion pour trouver la bonne formule afin de le mettre aussi hors circuit au cas où M. Ouattara n’est pas partant pour 2025
Ainsi va l’Afrique ! Mais d’ici là, œuvrons tous pour que la norme ne soit pas prise pour l’exception et l’exception pour la norme. Mais soyez sans crainte, l’ivraie sera séparée du vrai.