Crise politique au Niger- Le « grand oral » face à la presse auquel s’était soumis Laurent Gbagbo, président du Ppa-ci fut très enrichissant et de nombreuses leçons peuvent en être tirées. Plusieurs thèmes ont meublé ces échanges de Laurent Gbagbo avec la presse. Mais pour rester collé à ce qui tient le haut du pavé de l’actualité en Afrique, nous nous arrêterons à la crise au Niger du fait du coup d’état qui a renversé le président Bazoum, et des gesticulations de la Cedeao.
Crise politique au Niger : Gbagbo appelle la Cedeao au réalisme
La position du président du Ppa-ci sur les coups d’État est connue depuis longtemps. Il l’a déjà déclamée lors de la visite effectuée à Bayota dans la région du Gôh en janvier 2023.
Il est contre tous les coups d’états, quelle que soit la coloration : militaires ou civils. Pour ce dernier cas, il s’agit de pouvoir issu du tripatouillage de la Constitution pour s’octroyer un mandat de plus, après avoir épuisé les deux reconnus de la constitution.
De ce fait, il est difficilement compréhensible que des présidents issus de « coup d’État civil », s’échinent à donner des leçons de démocratie à ceux de leurs homologues à la tête de leurs pays par un coup d’État militaire !
Sur la question du Niger, au regard du temps qui passe, au regard de l’assise prise par le nouveau pouvoir au sein des populations nigériennes, et partant du fort soutien que lui manifeste un bonne frange de la population nigérienne, le président Gbagbo exprime sa profonde conviction et croit que désormais le pouvoir Bazoum se conjugue au passé. Il y a plutôt lieu de mener des négociations afin de permettre à Bazoum de humer à nouveau l’air frais de la liberté, fut-il dans un autre pays.
Au cours de ce « grand oral », Laurent Gbagbo estime qu’il y a une nécessité de ne pas mentir à Bazoum, en lui faisant miroiter sa réinstallation au pouvoir.
Comment cela se peut-il ?
L’ex-président nigérien et sa famille sont aux mains des nouveaux tenants du pouvoir à Niamey. Qu’est ce qui les empêcherait de se débarrasser de lui dès les premiers coups de feu de la force d’intervention de la Cedeao ?
C’est en cela qu’on comprend aisément que le souci de réinstallation de Bazoum au pouvoir n’est que le paravent brandi pour masquer l’objectif réel suggéré à la Cedeao.
On conclut donc que Bazoum mort ou vivant, importe peu, pourvu que le nouveau pouvoir que les marionnettistes de la Cedeao ne contrôlent pas, dégagent le plancher.
L’enjeu de toute cette gesticulation de la Cedeao va au-delà de la vie de Bazoum. Le Niger ne saurait se soustraire du giron dans lequel il est depuis 1960, afin de préserver une certaine position stratégique dans la zone sahélo-saharienne. On n’oublie pas non plus l’uranium, le pétrole et d’autres matières premières présents dans ce pays, et dont le contrôle est nécessaire à la survie de ceux qui ont jusque-là la mainmise sur ce pays.
Toutes les déclarations de bonnes intentions de la Cedeao, tous les soucis clamés haut pour le rétablissement de la démocratie, ne sont que de la poudre aux yeux pour convaincre les naïfs et justifier une intervention que les puissances occidentales, la France notamment, attendent et saisiront au vol pour finir « le job ».
En faisant sienne ce discours de rétablissement de la démocratie, la Cedeao ne fait que répéter ce qui lui a été soufflé et qui sent la manipulation à mille lieux.
Ce mode opératoire est déjà connu, car habituellement usité par les Usa, la France et partant par l’Otan.
Ces arguties ont permis de mettre en lambeaux la Lybie, de désarticuler l’Irak et de faire de la Somalie un pays sans État. Qui peut honnêtement affirmer que les interventions en Irak, en Lybie, ou en Afghanistan, ont fait de ces pays des modèles de démocratie à exporter ?
Avec du recul, les dirigeants de la Cedeao ne perçoivent-ils pas le danger que court la sous-région région ouest-africaine, si le Niger venait à être désarticulé ?
Pourquoi ne tirent-ils pas de leçons de la démocratie installée en Lybie par Sarkozy ?
Les conséquences de cette intervention ne sont-elles pas les rodéos motorisés des terroristes et des djihadistes qui déciment les populations maliennes, burkinabés et nigériennes ?
Assurément, si le Niger connait le même sort que la Lybie, ce sont les pays côtiers du Golfe de Guinée qui vont « trinquer » et qui vont à leur tour, « lire l’heure » comme le diraient les Ivoiriens.
Ne pas percevoir ce danger ou feindre de l’ignorer comme le font certains chefs d’État de la Cedeao est le signe évident que leurs préoccupations sont ailleurs, et obéissent à un agenda qui ne coïncide pas avec les intérêts des populations.
On est également surpris de la célérité avec laquelle la Cedeao a activé sa force en attente pour « aller casser du nigérien ».
A aucun moment, alors que certains de ses membres, le Mali, le Burkina Faso et le Niger, étaient aux prises avec des bandes terroristes, la Cedeao n’a jamais envisagé lever une force armée pour combattre ces terroristes aux côtés des armées des pays suscités. Cela, nombre d’Africains le comprennent difficilement.
Quand certains pays de l’organisation sous régionale ont envoyé des forces au Mali, c’était dans le cadre de la mission des Nations-Unies au Mali, la Minusma. Mais la Minusma n’avait aucun mandat pour combattre les terroristes et a sombré dans un immobilisme qui n’a rien apporté au Mali.
Qui plus est, la Cedeao à l’instar de ses maîtres à penser, a soumis hier le Mali et aujourd’hui le Niger, à des sanctions iniques et illégales avec des embargos qui font vivre un enfer aux populations déjà paupérisées. Mais on n’est pas surpris. L’exemple des sanctions contre la Russie est là pour nous instruire et orienter nos regards vers ceux sur qui la Cedeao copie.
Ainsi parla Gbagbo…
Mais s’il y a eu un soir en Afrique, il y aura assurément un matin et l’ivraie sera séparée du vrai.