La décision du Président français, Emmanuel Macron, de ne pas rappeler son ambassadeur Sylvain Itté du Niger, exacerbe les tensions avec Abdourahamane Tchiani. La France ne devrait-elle pas changer d’attitude pour apaiser les antagonismes ?
Le contexte de la Crise au Niger
Le Niger a récemment connu des troubles politiques majeurs, notamment un coup d’État militaire contre le régime du Président Mohamed Bazoum. Nul besoin de le cacher, ce dernier était le chouchou de Paris, ce qui a d’ailleurs amené Emmanuel Macron à redéployer dans le pays ses soldats chassés du Mali voisin.
Comme la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), la France s’est alignée sur la position de principe et de fermeté qui consiste à condamner la prise du pouvoir par les armes. Sauf que pour les nouvelles autorités nigériennes, Emmanuel Macron est allé un peu trop loin. Il est accusé d’instrumentaliser les chefs d’États africains partisans de la solution militaire pour remettre au pouvoir l’ancien Président déchu. Invité à prendre des contacts pour relancer la relation Paris-Niamey, Sylvain Itté se serait montré arrogant en indiquant ne pas reconnaitre le nouveau pouvoir.
Du refus de Macron
Loin de se laisser impressionner par la lourde charge de la communauté internationale poussée par la France, les militaires nigériens ont vite activé la fibre patriotique au sein de leur jeunesse pour faire barrage aux différentes manœuvres adverses. Fort de ce soutien populaire, le régime de Niamey a exigé le départ de l’Ambassadeur français Sylvain Itté de son territoire.
Sauf que Paris a opposé une fin de non-recevoir à cette demande des autorités nigériennes, Emmanuel Macron estime que son pays a dépêché M. Sylvain Itté auprès de Mohamed Bazoum et non de la junte militaire qui contrôle en ce moment le pays, mais qu’il ne reconnait pas.
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Par sa position confirmée dans une prise de parole publique, Emmanuel Macron a vexé les nouvelles autorités nigériennes, qu’il considère comme illégitimes. Seulement, il n’est pas du rôle de la France de valider des pouvoirs en Afrique et les exemples du Mali et du Burkina Faso aurait dû lui servir d’exemple dans sa perte de l’Afrique. Du moment que le Président Mohamed Bazoum est empêché d’exercer le pouvoir, Abdourahamane Tchiani, qui lui a succédé, est de fait le principal interlocuteur du Quai d’Orsay au Niger. Paris n’a aucune autre manœuvre à actionner que de prendre acte du changement.
Emmanuel Macron n’a pas à discuter de la légitimité du régime nigérien puisque le même Macron reconnait et collabore avec Mahamat Idriss Déby, fils de feu Idriss Déby, arrivé au pouvoir au Tchad dans les mêmes conditions qu’Abdourahamane Tchiani.
Comment Macron pousse la jeunesse nigérienne dans les bras de la junte
Si le coup de force au Niger est bien condamnable et condamné par la quasi-totalité des Africains, la réaction de la France nuance cependant les positions des uns et des autres. Beaucoup d’Africains restent fermement opposés à l’ingérence de la France dans les affaires de ses ex-colonies.
Il n’est pas rare d’entendre dire en Afrique que lorsqu’un régime est proche de la France, alors cela signifie que son président n’est pas bon protecteur des intérêts de son peuple. Dans le cas du Niger, il est rapproché à l’ancien président Mohamed Bazoum de libérer des terroristes arrêtés par l’armée sur les champs de bataille, instituant ainsi l’instabilité au Niger.
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Cette position de la France a fait émerger des théories disant que Paris profite de l’instabilité dans les pays sahéliens pour acheter à vil prix l’uranium du Niger. L’armée au pouvoir dit justement vouloir mettre fin à la menace terroriste dans le Sahel pour revaloriser les prix des ressources naturelles du pays.
En s’opposant frontalement aux nouvelles autorités, la France, qui n’a pas bonne réputation en Afrique, n’améliore pas son image. Ces derniers trouvent donc facilement des arguments dans les deux poids deux mesures de la France dans son traitement des militaires au Tchad et ceux du Niger.
Ce que devrait faire Emmanuel Macron
En se querellant systématiquement avec les régimes militaires qu’il ne contrôle pas, Emmanuel Macron réduit les rangs des opposants de ses régimes qui se multiplient en Afrique, le cas du Gabon, où le discours de Paris est différent de celui du Niger, le confirme. Après le Mali et le Burkina Faso, où les représentants de la France ont été expulsés, le Niger devient le troisième pays dirigé par des militaires en mauvais terme avec l’Élysée.
Dans le même temps, la Russie qui donne des migraines à l’Europe poursuit son repositionnement en Afrique, surtout auprès des pays perdus par la France sur le continent.
Pour calmer les tensions avec le Niger, et même avec le Mali et le Burkina Faso, Emmanuel Macron doit humblement retirer son ambassadeur de Niamey. L’Élysée doit également rapatrier ses soldats de ce pays et cesser de torpiller les nouvelles autorités auprès de la communauté internationale. C’est à ce prix qu’elle redorera son blason auprès des nouvelles autorités de ces pays avec qui elle va de toute façon être obligée de négocier à un moment ou un autre.
Les nouveaux tenants du pouvoir à Niamey sont les interlocuteurs des entreprises françaises qui explorent l’uranium et les autres ressources naturelles du pays. Par les négociations, la France pourra proposer un nouvel ambassadeur qui ne sera pas Sylvain Itté, devenu persona non grata pour avoir indiqué qu’il ne reconnaissait que le régime de Mohamed Bazoum.
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Plusieurs pays ayant des missions diplomatiques parlent déjà avec la junte au pouvoir au Niger. Paris ne doit en aucun cas se mettre en marge de la diplomatie que savaient si bien pratiquer ses anciens dirigeants.
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