Après leur sortie empreinte de revendications, les Magistrats de Côte d’Ivoire se font convier après coup, à une cérémonie de présentation de vœux organisée par le cabinet du ministre de la justice, garde des sceaux. Si cette cérémonie semble normale, elle pose un sérieux problème d’interprétation au regard du contexte dans lequel elle se déroule et au regard du dégoût que le garde des Sceaux en a. Nelson ZIMIN vous en parle.
Les Magistrats de Côte d’Ivoire et leur tutelle, l’amour n’est pas dans le pré
Je revendique mes droits sous le couvert de l’anonymat, qui suis-je ? Un magistrat ivoirien. Bonjour !
KABAKO, mon cher
As-tu écouté le DUC DE PONTRIDGE à la cérémonie des représentants et directeurs des centres d’assistance technique du FMI chez vous ?
Il parait que nul n’est au-dessus de la loi chez lui et que lorsqu’il y’a détournement de fonds et que la Justice s’intéresse aux mis en cause, tes parents ne considèrent que l’aspect politique des choses. Autant dire que l’hôpital et la charité se sont mis en ménage. Il aurait donc donné instructions au garde des sceaux et au procureur de la république de le saisir automatiquement, s’ils constataient une interférence dans le travail de la justice. Mais dis-moi, qui le saisi quand c’est le garde des sceaux lui-même qui casse du magistrat ?
Je pense bien que tu as suivi cette déclaration des magistrats de Côte d’Ivoire qui ont interpellé notre cher DUC il y’a quelques jours sur la violation par le garde des sceaux lui-même et des membres du club de PONTBRIDGE, du principe de la séparation des pouvoirs. Tu sais quoi, le ministre de la justice vient de convoquer tous les magistrats de Côte d’Ivoire à une cérémonie de présentation de vœux le Jeudi 27 Janvier 2019 à Abidjan. Vu qu’une convocation des juges par le ministre est interdite par le principe de la séparation des pouvoirs, consacré par la constitution de ton pays, la cérémonie de présentation de vœux est adéquate pour remonter quelques bretelles mal ajustées. C’est plus élégant, glamour et ça échappe à la loi.
Autant te le dire tout net, il y’a depuis plusieurs années une crise au sein de nos institutions judiciaires, qui s’est exacerbée à la prise de charges de monsieur SASSAN Kambilé, actuel garde des sceaux. Dès sa prise de fonction, le nouveau ministre avait gentiment décliné la requête des magistrats de sa promotion qui venaient lui adresser leurs félicitations comme il est de coutume chez eux. Une attitude qui a envoyé un mauvais signal sur le type de relation que le garde des sceaux comptait avoir avec ses collaborateurs.
Ou est donc passé le magistrat GRAH Olivier ?
Si l’affectation de juges après prononciation de jugement qui n’ont pas satisfait le gouvernement ou la révocation de juges pour des prises de positions pas très flatteuses pour le gouvernement, représentent la face visible d’une crise institutionnelle profonde, ils existent bien d’autres situations qui témoignent de l’affaissement de notre système judiciaire. C’est bien le cas d’un juge de la cour d’assises qui avait acquitté l’ex première dame Simone Ehivet GBAGBO poursuivie en Mars 2017 pour crime contre l’humanité, ou encore le cas du Magistrat GRAH Olivier, révoqué et en exil au États-Unis pour avoir interpelé le gouvernement sur les disfonctionnement de l’administration judiciaire.
Vois-tu, un des juges proches de ce dossier m’a dit ceci à l’annonce de la prochaine cérémonie de présentation de vœux du ministre : « l’année dernière, il nous a traité d’une manière méprisable à la cérémonie de vœux de nouvel an. Il nous a traités de corrompus et d’hypocrites, arguant que nous ne pensions pas une seule seconde les vœux que nous lui adressions et se passerait de pareille cérémonie l’année prochaine. Pourquoi aujourd’hui, il organise une telle cérémonie (improvisée) et juste après la déclaration des magistrats ? En plus il convoque tous les magistrats de Côte d’Ivoire, ce qui est inédit. Le connaissant, il va nous engueuler ».
Tu me diras certainement que c’est l’avis d’un seul aigri parmi tant de magistrat bienveillants. Je veux bien le croire, mais pourquoi les magistrats ont-ils fait une déclaration sans signer avec leurs noms ? Des magistrats qui s’expriment sous le couvert de l’anonymat. Belles certification du respect de nos droits et libertés !
Les magistrats de Côte d’Ivoire, pourquoi le ministre ne les convoque pas…
Si ceux qui représentent la loi et font appliquer le droit ont peur des membres du gouvernement, c’est bien parce que la violation du droit n’est plus un tabou depuis belle lurette chez vous. Il y’a forcément quelqu’un au-dessus de la loi chez vous. Sais-tu que depuis 2000, l’autorité de la tutelle a été abrogée ? C’est-à-dire qu’un ministre ne peut en aucun cas sanctionner un magistrat. Mais on a dépassé les 19 ans Chalenge de cette loi. L’an 2000 est bien loin dans nos souvenirs !
Mais comment en est-on arrivé à ce point exécrable de relation entre la tutelle et ses collaborateurs ? Cette question restera pendante pour toi car je vais te laisser avec Montesquieu qui dit de la république que : «La liberté politique dans un citoyen est cette tranquillité d’esprit qui provient de l’opinion que chacun a de sa sûreté ; et pour qu’on ait cette liberté, il faut que le gouvernement soit tel qu’un citoyen ne puisse pas craindre un autre citoyen ». Je vais donc voir du Côté de la CEI que le Gouvernement veut reformer sans regarder la composition du conseil constitutionnel. Ivoirerie!
À BIENTÔT
Nelson ZIMIN
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