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- Faut-il sérieusement s’inquiéter pour Johnny Patcheko ?
- Pourquoi les pages de Patcheko ont-elles été supprimées ?
- Mais Johnny Patcheko peut-il vraiment être extradé ?
- Internet a de la mémoire, les autorités néerlandaises aussi
- La jurisprudence « Simon Ekpa »
- Le cas Gibril Massaquoi
- La Finlande peut-elle extrader Johnny pour insultes aux autorités ivoiriennes ?
Johnny Patcheko va-t-il débarquer à l’aéroport Félix Houphouët-Boigny dans les prochaines semaines ou mois à venir les mains menottées ? L’activiste pro-opposition fait face à plusieurs fronts ouverts, selon lui, par les autorités ivoiriennes. Son extradition serait même demandée, mais qu’en est-il et que peuvent les autorités ivoiriennes ? Afrique-Sur7.fr vous éclaire.
Faut-il sérieusement s’inquiéter pour Johnny Patcheko ?
Koukougnon Christ Yvon, dit Johnny Patcheko, est présentement dans le dur. L’activiste politique ivoirien le plus connu a vu ses moyens de communication sauter les uns après les autres. Son compte YouTube et celui de Facebook ont tour à tour été désactivés et, selon lui, cet acharnement est l’œuvre de ses adversaires, les dirigeants actuels de la Côte d’Ivoire.
Johnny Patcheko à Abidjan, en Côte d’Ivoire en 2021.
Mais aussi, l’activiste affirme faire face à une procédure judiciaire intentée contre lui par les autorités d’Abidjan. Récemment, le Procureur de la République près le tribunal du Plateau, M. Koné Oumar Braman, a fait savoir que toute personne commettant des infractions, même hors du territoire ivoirien, serait à la portée de la justice ivoirienne. Pour autant, Jonny est-il en danger ?
La réponse est non malgré son audition par la police finlandaise ! La Finlande n’extradera pas Koukougnon Christ Yvon vers la Côte d’ivoire pour diverses raisons.
Pourquoi les pages de Patcheko ont-elles été supprimées ?
Avec l’annonce de procédures judiciaire par Johnny Patcheko, certains citoyens ivoiriens s’inquiètent pour son avenir. La suppression de ses pages Facebook et YouTube limite la portée de son message. Ces pages ont été supprimées suite à des signalements intensifs.
Dans le cadre d’initiatives personnelles, des individus ou même des gouvernements engagent des entreprises informatiques pour polluer la réputation des comptes sur Facebook ou YouTube. Dans le cas de Johnny Patcheko, sans préjuger de l’identité des auteurs des attaques, la décision de Facebook et de YouTube ont été précédée de signalements massifs.
A titre d’exemple, le compte Facebook de Afrique-sur7.ci, média indépendant, a été massivement signalé à l’annonce des candidatures retenues par le Conseil constitutionnel pour la présidentielle de 2025. Redoutant un mot d’ordre de l’opposition, les auteurs de cette attaque croyaient anticiper d’éventuelles annonces de ces mots d’ordre sur la page Facebook du média.
Le compte a même été partiellement limité avant d’être rétabli faut d’infraction constatée par les techniciens de Facebook lors d’une vérification manuelle.
Certains propos incorrects de Johnny Patcheko ont assurément joué dans la décision de Google et de Méta de supprimer ses comptes YouTube et Facebook.
Mais Johnny Patcheko peut-il vraiment être extradé ?
La question que se posent certains Ivoiriens et Africains est de savoir si Johnny Patcheko pourrait être extradé par la justice finlandaise vers la Côte d’ivoire. Malgré l’assurance du procureur sur la possibilité pour la Côte d’Ivoire d’activer certains dispositifs pour obtenir l’extradition de Koukougnon Christ Yvon, un rapatriement de Johnny Patcheko à Abidjan semble bien trop difficile, voire même impossible.
Johnny est considéré comme un politicien. Il a d’ailleurs été candidat malheureux aux élections législatives du 6 mars 2021 à Gagnoa en indépendant. En cette période-là, Koukougnon Christ Yvon flirtait avec les dirigeants du RHDP au pouvoir en Côte d’Ivoire. Sa grande proximité avec des ministres de premier rang confirme encore plus son statut d’homme politique, d’autant plus qu’ils s’affichaient ensemble dans des activités politiques.
Internet a de la mémoire, les autorités néerlandaises aussi
Johnny Patcheko et le ministre Kobenan Kouassi Adjoumani.
Comme Internet, les autorités finlandaises ont de la mémoire. Elles savent qu’avant de flirter avec les autorités ivoiriennes, Johnny Patcheko avait été en très fort désaccord avec elles. La justice finlandaise sait aussi que, pour le compte du RHDP, Johnny Patcheko attaquait dans le même style, avec les mêmes éléments de langage, des leaders politiques de l’opposition.
Ce qui ne dérangeait pas les dirigeants actuels à l’époque ne peut donc pas les déranger aujourd’hui pour la justice finlandaise.
Dans le pays de résidence de l’activiste, il y a des protections légales qui rendent extrêmement difficile, si ce n’est impossible, dans de très nombreux cas, l’extradition d’un citoyen, même étranger, pour des délits simplement « politiques ». Le ministère de la Justice finlandais fait savoir dans l’« Act on Extradition » que le pays peut refuser une demande d’extradition si l’infraction est de nature politique.
Ce pays peut extrader, dans une certaine mesure, des citoyens vers les pays de l’Union européenne où le droit des citoyens est respecté. Beaucoup moins, voire jamais, vers des pays d’Afrique, d’Asie ou d’Amérique du Sud, sauf dans des cas avérés d’acte de terrorisme, grave banditisme ou crime de sang.
La jurisprudence « Simon Ekpa »
Simon Ekpa, activiste nigérian résidant en Finlande depuis 2007, fait l’objet d’une demande d’extradition par le Nigeria. Mais ce cas n’a pas abouti. Ce dernier a été condamné par la Finlande qui s’est jugée compétente pour le juger. Il lui avait été reproché d’avoir encouragé la commission de crimes dans cette ancienne région indépendantiste du Nigéria depuis le sol finlandais.
Simon Ekpa, séparatiste biafrais recherché par le Nigéria.
Le tribunal de district de Päijät-Häme, à Lahti en Finlande, l’a même condamné à six ans de prison. A noter qu’il a aussi été accusé de fraude fiscale en Finlande, mais il n’a jamais été livré aux autorités nigérianes.
Le cas Gibril Massaquoi
L’ancien commandant des RUF de la Sierra Leone, M. Gibril Massaquoi, accusé de crimes de guerre présumés dans son pays et au Libéria, avait été poursuivi devant la justice finlandaise en juridiction universelle. Il avait été jugé sur place, mais pas extradé vers un pays d’Afrique.
Gibril Massaquoi, ex-commandant rebelle sierra-léonais, acquitté deux fois par la justice finlandaise.
La Finlande peut-elle extrader Johnny pour insultes aux autorités ivoiriennes ?
Dans le cas de Johnny Patcheko, même si les reproches pourraient porter sur des insultes ou un appel au soulèvement contre les autorités ivoiriennes, ils ne peuvent en aucun cas déboucher sur son rapatriement en Côte d’ivoire.
Dans le pays de résidence de l’activiste, insulter une personnalité politique par la parole, un article de presse, une caricature, voire à travers un post sur Internet, est généralement considéré comme un délit d’opinion.
Ce genre de délits est qualifié, dans plusieurs pays européens, de diffamation, outrage au chef de l’État ou insulte à l’autorité. Sauf que ce type de comportement relève de la liberté d’expression et elle est très fortement protégée par la Constitution et l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH).
« L’extradition est conditionnée au respect de certaines conditions minimales, notamment la gravité de l’infraction, la durée de la peine et la double incrimination », précise le ministère finlandais de la justice.
En dehors de la Finlande, plusieurs pays européens auraient pu également opposé une fin de non-recevoir à une éventuelle demande des autorités ivoiriennes pour M. Koukougnon Christ Yvon.
Il faut noter que l’« Act on Extradition » en Finlande prévoit de façon très claire que les infractions à caractère politique ne peuvent donner lieu à l’extradition d’un citoyen vers son pays d’origine, s’il bénéficie d’un séjour régulier.
Johnny Patcheko étant père d’enfants finlandais et en situation régulière, si toutefois il n’avait pas pris la nationalité du pays, il bénéficiera de la protection de la justice du pays. Dans le cas de M. Koukougnon, c’est directement le Ministre de la justice qui prendrait une telle décision, ce qui la rend quasi-impossible au regard de la forte surveillance des décisions des politiciens par les associations de droit de l’homme locales.
Injurier un chef d’État ou des ministres étrangers est vu par la justice finlandaise comme un délit politique, non comme un crime grave.
Et enfin, la Finlande n’extrade aucun citoyen vers un pays si la personne risque d’y subir un traitement inhumain ou une violation de ses droits.
Attendre Johnny Patcheko à l’aéroport Félix Houphouët-Boigny contre son gré relève plus du rêve qu’autre chose.
Si de gros pédigré comme l’ex-commandant sierra-léonais Gibril Massaquoi ou le séparatiste Simon Ekpa n’ont jamais été extradés vers leur pays, difficile d’imaginer la justice finlandaise rapatrier à Abidjan M. Koukougnon Christ Yvon, dit Johnny Patcheko.

