En moins d’une semaine, deux immeubles se sont effondrés à Treichville et à Cocody-Angré, exactement comme l’année dernière, et dans les mêmes communes, causant frayeurs et désolation dans les familles, avec à la clé des pertes en vies humaines. C’est une longue série d’ effondrements d’ immeubles dans la capitale économique de la Côte d’Ivoire. Aucun quartier n’est épargné. Selon une déclaration en 2022 du Ministre de la Construction, du Logement et de l’Urbanisme, M. Bruno Koné, la Côte d’ivoire a connu 9 effondrements d’immeubles en 2020 et une dizaine avant 2020. Ce phénomène est si récurent, et la Côte d’Ivoire est si familière de ces effondrements, que cela serait un fait banal, si on ne déplorait pas de pertes en vies humaines.
Effondrements d’immeubles à Abidjan: A qui la faute?
Ces catastrophes successives questionnent, aussi bien les professionnels du secteur que le ministère en charge de la construction, quant à la rigueur et au professionnalisme déployés par chaque acteur pour l’édification des ouvrages. M. Bruno Koné assurait l’année dernière: « …quand il y a un effondrement, ce n’est pas la faute au ministre mais celui qui construit son immeuble. Le ministère a une mission de contrôle qui est principalement administratif. Assurez-vous que la personne a un permis de construire, elle doit se faire assister par un architecte quelle que soit la construction dès lors qu’elle est réalisée, et les constructions de R+2 ont recours à un bureau de contrôle ou à un ingénieur conseil… ».
Cette déclaration du ministre continue aujourd’hui d’appeler des interrogations.
– Qui s’assure que le propriétaire dispose d’un permis de construire avant l’édification de l’immeuble ?
– Si le ministère a une mission de contrôle administratif, qu’en est-il du contrôle technique ?
– Qui doit contrôler que le cahier de charges est suivi à la lettre pour la construction d’un ouvrage ?
– Qui veille au respect des normes
– Et si contrôle il y a, est-on sûr qu’il est correctement fait avec la conscience professionnelle et l’honnêteté requises ?
– Pourquoi les immeubles s’effondrent-ils si facilement à Abidjan ?
Face à cette situation qui endeuille régulièrement le pays, les populations ivoiriennes voudraient bien voir les responsabilités situées, afin que le gouvernement puisse prendre les mesures idoines afin de prévenir d’autres catastrophes. Conscient que ces drames suscitaient et continuent de susciter des murmures de colère, d’indignation et d’exaspération de la population, le gouvernement pour une fois, avait, en 2022, décidé de réagir vigoureusement. Ainsi, au sortir d’un conseil des ministres, le porte-parole du gouvernement avait énoncé les mesures prises relativement aux effondrements d’immeubles. Ce sont :
– La suspension des chefs de service de l’urbanisme de Treichville et de Cocody
– L’interpellation des propriétaires des immeubles effondrés
– La mise sur pied d’une brigade mixte de contrôle
– Etc.
Le gouvernement gagnerait aller plus loin dans les mesures à prendre afin de préserver la vie des ivoiriens
Si on a pu saluer la réaction du gouvernement pour apaiser les populations, les ivoiriens sont toutefois restés sur leur faim au sujet des causes des effondrements, et des responsabilités qui n’ont pas réellement été situées. Avec les effondrements de ces derniers jours, il va sans dire que les solutions proposées ne sont pas les bonnes et que le laxisme perdure. Depuis belle lurette, la rumeur publique fait état de ce que 80% des immeubles construits ou en construction à Abidjan, n’ont pas de permis de construire.
Outre ce fait, il est pointé du doigt la légèreté des contrôles effectués avant, pendant et après les constructions, ou rigueur et professionnalisme sont aux abonnés absents. Ce qui expliquerait que les normes ne sont pas toujours respectées et la responsabilité du ministère de tutelle, engagée dans l’advenue des catastrophes.
On se rappelle, il y a quelques temps, que M. Issiaka Diaby, président des victimes de la crise postélectorale de 2010, avait dénoncé la qualité du fer à béton mis en vente sur le marché ivoirien. Tout le monde l’a écouté d’une oreille distraite, certains détournant les yeux et d’autres se bouchant même les oreilles. A-t-on pris soin de vérifier cette information ? A-t-on pris soin de contrôler la qualité de ces fers en question ? Assurément non, puisqu’il n’y a eu ni infirmation, ni confirmation de ladite information.
En tout état de cause, la responsabilité de plusieurs personnes est engagée dans cette douloureuse affaire : les propriétaires d’immeubles dont le souci est souvent de minimiser les coûts, en surfant sur la qualité des matériaux de construction; les entrepreneurs, obnubilés par les économies substantielles qu’ils peuvent faire dans l’utilisation des matériaux mis à leur disposition, et le ministère en charge de la construction dont les services techniques sont souvent pointés du doigt. Le gouvernement gagnerait aller plus loin dans les mesures à prendre afin de préserver la vie des ivoiriens. Assurément, l’ivraie se doit de se séparer du vrai !