De retour en Guinée après plusieurs années d’absence, Aissata Tounkara, une Guinéenne vivant à l’étranger, se confie sur ses constats. Dans un contexte de transition gérée par des militaires, le pays tente de relever la tête afin de se mettre aux pas de la modernité. Dame Tounkara, assistante sociosanitaire, est partagée entre les découvertes merveilleuses et les tristes réalités sociales, environnementales et écologiques qui freinent l’élan du développement du pays. Elle déplore également les difficultés liées à l’obtention des documents guinéens à l’étranger. Dans une interview exclusive accordée à AFRIQUE SUR 7, elle s’est confiée à cœur ouvert.
Afrique Sur 7 : vous êtes en Guinée il y’a de cela un mois, vous êtes touriste aujourd’hui après de longues années d’absence. Dites-nous quels sont les changements majeurs que vous avez constatés ?
Aissata Tounkara : Oui, j’ai quitté le pays, il y a très longtemps. Mais ma dernière visite remonte à 2018. Et donc, cela fait maintenant sept ans. Il y a eu du progrès. Parce que là, je ne reconnaissais plus l’endroit où j’habitais avec mes parents. J’étais totalement perdue. Parce que tout a changé. Les routes ont été recouvertes de bitume, de nouvelles constructions. Et j’avais des guides qui m’ont accompagné tout au long de mon séjour pour visiter des endroits. Il y a de l’électricité et l’accès à l’eau ; ce qui n’était autrefois pas évident. Aujourd’hui, je trouve qu’en termes de progrès vers un développement épanoui, nous sommes prêts pour y arriver.
Quelles sont les remarques qui vous ont négativement marqué ?
La vie quotidienne des guinéens, pour le moment, manque d’organisation. Moi, je vois l’Europe bien organisée. En matière de propreté, par exemple, en Europe, c’est la disciple. Tout le monde a sa poubelle et ils savent à quel moment les poubelles doivent être vidées. J’aimerais qu’en Afrique aussi, qu’on fasse ces modèles d’organisation. Parce que quand je sors, je vois les routes un peu mal organisées. Ce n’est pas bien. Ça ne me plaît pas. Quand je vais en Europe ou quand je fais quelques vidéos, mes amis me demandent pourquoi les routes sont mal organisées chez nous.
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Et puis, il y a autre chose que je veux dire aux populations africaines concernant le port de casque par les motocyclistes. Je veux surtout m’adresser aux Guinéens. En Europe, le casque, c’est obligatoire. Quand on te prend dans la route avec la moto sans casque, on te retire la clé. C’est ce qu’on doit adopter en Guinée. Le port de casque est important pour la sécurité pour eux-mêmes et pour les autres passagers. Mais je vois qu’ici, tout le monde utilise les moto-taxis comme bon lui semble. Personne ne se plaint. Nous, quand on est rentré au bercail, notre préoccupation, c’est de voir que notre pays s’est bien développé. Mais il y a des choses qui ne sont pas bien organisées, comme l’Europe.
Certains Guinéens disent être confrontés à des problèmes d’obtention de papiers à l’étranger. Est-ce que c’est le cas en Italie ?
En Italie, il n’y a pas de problème de papier pour les étrangers. Il y a des facilités et c’est beaucoup moins contraignant comparativement à d’autres pays. Tous les étrangers ont le droit d’avoir un titre de séjour. C’est seulement l’Italie qui donne facilement les papiers aux étrangers. Une fois que certains ont les papiers, ils s’en vont dans d’autres pays, comme l’Allemagne et la France.
Expliquez-nous pourquoi vous n’avez pas envisagé de prendre des documents guinéens au consul ou à l’ambassade de Guinée en Italie ?
Parce que là-bas, ce n’est pas facile. Ça prend du temps. Là-bas, quand tu as besoin de renouveler ton passeport guinéen, toi qui n’as pas encore le passeport biométrique, c’est compliqué. Moi, quand je quittais la Guinée en 2000, j’étais étudiante, mais j’étais mariée avant de rentrer en Italie. Je suis rentrée avec le passeport guinéen. Une fois que le passeport guinéen a expiré, ce que je devais faire, c’était de renouveler le passeport guinéen. Mais j’ai vu que c’était plus facilité d’avoir le passeport italien. L’établissement du passeport guinéen prenait trop de temps.
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C’est très compliqué. Une fois que tu as besoin de ton passeport guinéen, on te dit, viens, on va te le faire. Mais ce n’est pas tout de suite. Avec le passeport italien, je suis seulement allée à la poste, déposer les documents, remplir là-bas, prendre mon empreinte, et puis ça va. C’était trop facile.
À votre connaissance, est-ce qu’il y a des Guinéens en Italie, voire d’autres pays, qui préfèrent venir prendre leur passeport à Conakry ?
Oui, ils préfèrent payer le billet d’avion là-bas. Venir en Guinée, faire le passeport, au lieu de le faire là-bas directement à l’ambassade, à Rome, parce que ce n’est pas facile. Si tu es à Milan, par exemple, tu dois quitter Milan, aller jusqu’à Rome, capitale de l’Italie, pour préparer ton passeport. Une fois que le passeport est terminé, on envoie le message, on te dit : ton passeport est arrivé, c’est prêt. Tu dois encore prendre le train à Milan, jusqu’à Rome, pour aller chercher ton passeport. C’est relativement plus simple quand on se déplace à Conakry pour le faire.
Propos recueillis par Fodé TOURE (Correspondant AFRIQUE SUR 7 à Conakry)