L’Afrique est à un tournant crucial. La croissance démographique et économique rapide entraîne une explosion des flux commerciaux, mais les infrastructures logistiques peinent à suivre le rythme. Congestion portuaire, guerre des containers, routes dégradées : autant d’obstacles qui menacent la fluidité des échanges et la compétitivité des économies africaines.
Un diagnostic préoccupant, mais auquel tentent désormais de répondre plusieurs initiatives, portées par des acteurs publics comme privés.
Des infrastructures sous pression
À Lagos, Abidjan ou Douala, les scènes de camions immobilisés, moteurs éteints, dans des embouteillages portuaires prolongés, sont devenues ordinaires. Selon plusieurs rapports, dont ceux de la Banque mondiale et de la CNUCED, la productivité des ports africains reste nettement inférieure à celle des ports asiatiques : le temps de séjour moyen des conteneurs dépasse souvent 20 jours, contre 4 à 5 jours dans les grands ports du Pacifique. Ce retard s’explique par des équipements limités, des procédures complexes et un manque de coordination entre les différents acteurs.
Au-delà de ces infrastructures portuaires saturées, l’arrière-pays constitue souvent le maillon faible des chaînes logistiques. Le réseau routier, vieillissant et peu entretenu, complique le transport des marchandises vers les marchés intérieurs et les centres industriels. Par exemple, en Côte d’Ivoire, plus de 80 % des routes principales ont plus de 20 ans, avec des impacts directs sur la rapidité et la sécurité des transports.
Par ailleurs, la faiblesse des réseaux ferroviaires, environ 3,3 % du maillage mondial en Afrique, limite les alternatives aux routes. Cette dépendance accrue aux transports routiers génère davantage de congestion, d’usure des infrastructures et d’émissions polluantes.
Un contexte géopolitique défavorable
La situation est d’autant plus fragilisée par une géopolitique mondiale erratique. Depuis novembre 2023, les attaques répétées menées par les rebelles Houthis en mer Rouge ont contraint de nombreuses compagnies maritimes à contourner le canal de Suez via le cap de Bonne Espérance.
L’allongement des délais, la hausse des coûts de transport et la flambée des assurances impactent un peu plus les chaînes logistiques africaines depuis le contournement du canal de Suez.
Le contournement du canal de Suez a également des répercussions sur la disponibilité des containers et la rotation des navires, exacerbant la « guerre des containers », c’est-à-dire la concurrence accrue entre ports pour capter des ressources logistiques devenues rares. Ces tensions provoquent des ruptures d’approvisionnement, des hausses des prix à la consommation et des pertes économiques.
Des solutions innovantes à déployer
Face aux fragilités logistiques du continent, des réponses concrètes commencent à émerger, encore discrètes mais porteuses de solutions. Les plateformes intérieures, ou « ports secs », en sont l’un des leviers les plus prometteurs : elles permettent de déporter les opérations de dédouanement, de stockage et de transbordement à l’intérieur des terres, désengorgeant les ports tout en rapprochant les services logistiques des bassins de consommation et des zones industrielles.
À ces hubs s’ajoute une dynamique de digitalisation des procédures et une meilleure coordination entre acteurs publics et privés, gages de fluidité pour des chaînes d’approvisionnement de plus en plus sous pression.
Mais au-delà de l’ingénierie et de la technologie, la sécurisation des sites logistiques devient un facteur décisif de résilience. Dans un environnement exposé aux risques sécuritaires, climatiques et politiques, la continuité des opérations dépend largement de la capacité à anticiper et à neutraliser les menaces.
C’est tout l’enjeu du programme déployé depuis 2020 par PortSec S.A. au port de Douala, au Cameroun. Surveillance avancée, réorganisation des accès, formation des équipes : l’approche ne se limite pas à la protection physique des infrastructures, elle vise aussi à fluidifier les flux, éviter les interruptions et restaurer la confiance. Une condition indispensable pour renforcer la compétitivité des plateformes africaines dans un contexte de pressions logistiques inédites.
À mesure que ces initiatives se multiplient, souvent à l’échelle locale comme avec PortSec S.A., la question reste entière : comment assurer leur cohérence, leur montée en puissance et leur inscription dans une vision continentale à long terme ?