La percée des jihadistes en Afrique, notamment dans le Sahel suscite des questions. Une éternelle interrogation surgit et ressurgit. Où trouvent-ils les armes pour affronter aussi farouchement les armées régulières censées être mieux équipées ? Dans un rapport publié fin avril 2025, Conflict Armament Research (CAR) a proposé des pistes de réponse à cette fameuse question en concentrant ses recherches sur les principaux pays du Sahel, les trois membres de l’Alliance des Etats du Sahel (AES).
Sahel : révélations sur la provenance des armées utilisées par les jihadistes
De plus en plus, les terroristes qui sévissent dans les pays du Sahel brandissent un arsenal militaire qui suscite la stupéfaction. Il est connu de tous que le commerce d’armes est bien réglementé et que logiquement des gens qui sont considérés comme des ennemis publics ne peuvent se procurer des armes conventionnelles à la mesure de l’armement d’une armée régulière.
La résistance des combattants du Jnim (Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans) révèle qu’ils ne sont plus réduits à des armes de pacotilles. Ils ne sont pas sous-armés. Conflict Armament Research découvre que les jihadistes sont très bien équipés comme les armées régulières qu’ils combattent. Selon les enquêteurs, les terroristes approvisionnent majoritairement leurs stocks d’armement avec des armes volées lors des attaques contre les Forces de sécurité et de défense des Etats.
Outre les armes traditionnelles couramment utilisées et documentées qui circulent depuis des décennies, un nouvel ensemble d’armes est utilisé par les groupes armés islamistes du sud du Sahel. En 2015-2016, des groupes affiliés à Al-Qaïda, responsables d’une série d’attaques importantes contre des hôtels internationaux et des cibles de sécurité nationale dans le sud du Sahel (centre et sud du Mali, Burkina Faso et Côte d’Ivoire), ont utilisé un ensemble commun d’armes légères, jamais répertorié auparavant dans la sous-région.
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Dans ces attaques, ils ont fait usage de « fusils d’assaut d’origine irakienne et d’un lot de fusils chinois fabriqués en 2011, dont les numéros de série correspondent à ceux de fusils correspondants saisis par les Unités de protection du peuple kurde syrien (YPG) auprès de combattants de l’EI en Syrie en 2015 ».
Selon les chercheurs, « ces conclusions indiquent que les groupes islamistes responsables des attaques au Sahel ont une source d’approvisionnement commune ou constituent une cellule unique, et suggèrent provisoirement des liens ou des points communs entre les sources d’approvisionnement des combattants islamistes d’Afrique de l’Ouest et ceux opérant en Irak et en Syrie ».
Dans son rapport, CAR dit avoir identifié chez les terroristes des armements provenant des forces armées de Côte d’Ivoire, du Liberia, de Libye, du Nigéria et du Tchad. Le groupe de chercheurs affirme que 20 % des armes utilisées par les jihadistes proviennent des équipements des personnels militaires des pays du Sahel.
Il n’est pas rare de voir dans les vidéos de propagande des groupes terroristes brandir les butins de leurs attaques. Ces butins sont généralement composés d’armes de pointes récupérées sur les positions des armées régulières.
Des armes pillées lors des attaques contre les forces du Mali, Burkina Faso et Niger
Après avoir analysé plus de 700 armées saisies lors des répressions contre les jihadistes entre 2015 et 2023, il a été révélé que les jihadistes s’approvisionnent localement en armes. Les enquêteurs sont arrivés à la conclusion que « les armes récentes » qui se retrouvent dans les mains des groupes jihadistes proviennent « principalement des attaques perpétrées contre les soldats des pays du Mali, du Niger et du Burkina Faso ».
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Circulation d’armes illicites dans la région
Conflict Armament Research découvre dans ses recherches que le Sahel est aussi une zone de trafic d’armes. Ce trafic illicite constitue également une source d’approvisionnement pour les jihadistes. Le rapport indique « d’importantes sorties d’armes détenues par l’État, non seulement de Libye, mais aussi de Côte d’Ivoire et du Mali, vers la région du Sahel ».
Les flux d’armes et de munitions qui alimentent les conflits armés dans cette région sont en grande partie imputables à la dégradation de la sécurité des stocks suite à l’effondrement de l’État ou à la saisie massive des arsenaux gouvernementaux par des acteurs non étatiques, comme au Mali.
Conflict Armament Research
Les chercheurs expliquent ce trafic par des failles dans la surveillance des stocks des armées régulières. Ils pointent du doigt les agences de sécurités dans certains pays. « De plus, depuis la mi-2015, les combattants islamistes responsables d’attaques non conventionnelles dans le sud du Sahel ont utilisé des armes légères beaucoup plus récentes, similaires à celles recensées parmi les combattants islamistes en Syrie. Ces armes légères ne peuvent pas être entrées dans la région du Sahel avant 2011, et puisque la RCA n’a pas recensé leur présence dans la région avant mi-2015, elles pourraient y être entrées beaucoup plus récemment », lit-on dans le rapport.
Il convient de souligner que les sources d’approvisionnement évoquées dans ce rapport ne sont certainement pas les seuls moyens par lesquels les jihadistes s’approvisionnent. D’autres sources d’approvisionnement pourraient exister et constitueraient peut-être les principaux moyens.