Pascal Affi N’Guessan, c’est ce parfait inconnu du grand public ivoirien lorsque Laurent Gbagbo l’avait bombardé Premier ministre peu de temps après son accession au pouvoir. L’ingénieur de formation qui était déjà membre du FPI a depuis pris la tête de son parti auquel il s’accroche contre vents et marées… Patrice Dama vous en parle.
Pascal Affi N’Guessan, Premier ministre sous Laurent Gbagbo
Même s’il était un des jeunes cadres du FPI de longue date, M. Pascal Affi N’Guessan ne sera connu du grand public que lorsque le Président Laurent Gbagbo entrera dans ses fonctions de chef d’État. L’ingénieur a surpris plus d’une personne par la rigueur avec laquelle il dirigeait son équipe. Son gouvernement tenait la marche vers l’espoir lorsque le coup d’État devenu rébellion a débuté en 2002.
Tout changera en ce moment-là puisque les ministres de son gouvernement qui semblaient soucieux de bien se tenir dans la gestion des affaires se lanceront pour beaucoup dans la course à l’enrichissement personnel. Affi sera ensuite débarqué de son poste de Premier ministre lors des négociations pour ramener la paix en Côte d’Ivoire.
Ce départ qu’il considère aujourd’hui encore comme un sacrifice pour la Côte d’Ivoire pouvait paraitre injuste sauf si l’on se dit qu’il est le Premier ministre sous la gouvernance de qui le pays a été attaqué puis scindé en deux.
Laurent Gbagbo qui était Président de la Côte d’Ivoire, ne pouvant cumuler le poste de président d’un parti politique, a soutenu son ancien premier ministre dans sa prise de contrôle du FPI, soucieux qu’il était à cette époque-là d’offrir à sa formation une nouvelle génération d’hommes et de femmes politiques.
La crise à laquelle chacun prédisait une courte vie perdurera plusieurs années avant de se solder par le départ brutal de Laurent Gbagbo du pouvoir après une élection contestée en 2010. Laurent Gbagbo sera dans un premier temps en résidence surveillée dans le nord du pays avant d’être expédié à La Haye pour répondre des accusations portées contre lui par la Cour pénale internationale (CPI) de « Crimes contre l’humanité ».
La résistance d’ Affi N’Guessan contre Ouattara à la chute de Gbagbo
À la chute du régime de Laurent Gbagbo, Pascal Affi N’Guessan, au contraire de la grande majorité des cadres du FPI, refusera de fuir le pays. Il se disait que pour éviter une mort certaine de son parti, il lui fallait rester sur place en Côte d’ Ivoire. Une décision de brave qu’il paiera au prix fort après sa conférence de presse à l’ Hôtel Nouvelle Pergola.
Alors qu’il se croyait protégé par les forces militaires de l’ONUCI, Affi sera arrêté dans cet établissement avec plusieurs de ses camarades qui seront fait prisonniers dans le nord du pays. Les images de la maltraitance qu’ils subissaient en détention, avec Michel Gbagbo – fils de Laurent Gbagbo, sont encore visibles sur internet.
Et puis on ne sait comment il s’est arrangé, mais Affi N’Guessan a été libéré alors que certains de ses camarades, Lida Kouassi Moïse notamment, sont restés en détention. Tout de suite après, il a repris les commandes du FPI qu’il a commencé à diriger d’une curieuse façon. L’impopularité de ses premières décisions, conduira plusieurs de ses camarades à se dresser contre lui. C’est le début du Front Populaire Ivoirien à deux têtes.
Et les sorties de l’ancien Premier ministre de Laurent Gbagbo ne lui feront pas beaucoup de bien puisqu’il cherche à tourner la page de son ancien boss. Pour beaucoup, l’homme a trahi la lutte. Le congrès du parti qui devait aider ses adversaires à se débarrasser de lui ne se déroulera pourtant pas comme ils l’espéraient. Affi s’accroche depuis lors à la tête du FPI un peu comme si sa vie en dépendait.
Le conflit Affi – Gbagbo
L’ancien Premier ministre ivoirien fera face à une grosse opposition dirigée dans l’autre branche du FPI par feu Aboudramane Sangaré, compagnon de lutte et ami de longue date de Laurent Gbagbo qui avait milité pour sa nomination. Cet homme de confiance de l’ancien Président fera tout pour isoler Affi N’Guessan avec un certain succès.
Mais comme s’il voulait enrager ses adversaires, Affi parviendra à se faire reconnaitre par les autorités ivoiriennes comme seul et unique président du FPI. C’est avec une équipe d’hommes et femmes sans réelle légitimité, un peu comme lui-même, en tout cas de l’avis des militants du parti, qu’il continuera de parler au nom du FPI.
Mais Laurent Gbagbo dont il souhaitait tourner la page deviendra, depuis les murs de la prison de Scheveningen un homme incontournable de la politique ivoirienne. Ce dernier mis en liberté provisoire, donne des mots d’ordre qui ne légitiment pas Affi.
Le rendez-vous manqué d’ Affi avec Laurent Gbagbo
Laurent Gbagbo sorti de prison fait circuler le message de son envie de jouer la carte de l’apaisement avec tous ses adversaires, Pascal Affi N’Guessan y compris. Par des tractations de personnes qui leur sont proches, Affi N’Guessan et Laurent Gbagbo conviennent d’un rendez-vous à Bruxelles pour laver le linge sale en famille.
Sauf que l’ancien Président ivoirien posera un préalable à cette rencontre avec son ancien Premier ministre. Il veut le voir faire une déclaration sur RFI, déclaration dans laquelle il le reconnait lui Laurent Gbagbo comme seul et unique patron du FPI. Pascal Affi N’Guessan y voit un gros piège du « boulanger » et refuse de se livrer mains et pieds joints à ses adversaires. Il rentre à Abidjan où il prononce un discours totalement maladroit qui va l’isoler un peu plus sur la scène politique ivoirienne.
Affi et le PDCI, un divorce avant le mariage
Alors qu’il avait été le premier à prendre contact avec le PDCI d’un Henri Konan Bédié qui venait de casser son alliance avec le RHDP d’ Alassane Ouattara dans le but de former une coalition, il sera finalement snobé par le PDCI qui préfère s’allier à Laurent Gbagbo lui-même, plus charismatique et donc plus intéressant à sa stratégie pour faire partir Ouattara en 2020.
Pascal Affi N’Guessan qui a bien compris le message du PDCI se déclare d’office candidat de son parti à la prochaine élection présidentielle. Pour faire payer au PDCI son lâchage, il poursuit les négociations pour la réforme de la Commission Electorale Indépendante de Côte d’Ivoire – CEI que boycotte toute l’opposition.
Clairement, Pascal Affi N’Guessan qui sait qu’il n’a aucune chance de remporter une élection présidentielle en Côte d’Ivoire semble vouloir aider le pouvoir en place à se maintenir. Ainsi, lui Affi N’Guessan peut continuer de profiter du désordre au FPI pour continuer d’exister politiquement.
Le pouvoir qui voit en Affi N’Guessan un pion exploitable continue de le gratifier pour le service qu’il lui rend, notamment avec son statut de patron reconnu de l’opposition et surtout son poste de Président du FPI, bien qu’il reste très minoritaire au sein de cette formation.
L’avenir politique d’ Affi sur le fil du rasoir
Les personnes qui ont poussé Affi N’Guessan à emprunter le chemin de la défiance de Laurent Gbagbo et ses intimes continuent de l’encourager dans sa posture. Jean Bonin, un des proches de Pascal Affi N’Guessan l’encourage par exemple à saisir la justice pour interdire à Laurent Gbagbo, fondateur du FPI, ou à toute autre personne, d’utiliser le nom et les symboles du parti.
Même nous les journalistes, Jean Bonin demande à Affi N’Guessan de nous trainer devant la justice toutes les fois que nous prononcerons le nom du FPI pour désigner le parti de Laurent Gbagbo. Puisqu’il n’a pas publiquement refusé ces conseils, tout porte à croire que Affi N’Guessan pourrait les suivre.
Le problème avec ce que peut apporter la justice au soldat Affi, c’est qu’il pourra avoir la légalité, pas la légitimité. Avec la coalition des partis de l’opposition qui est en construction, l’avenir de l’ancien Premier ministre est plus que jamais en train de se jouer. Si le Président Alassane Ouattara venait à perdre le pouvoir en 2020, Affi N’Guessan pourrait avoir de grosses difficultés.
Comme Mamadou Koulibaly qui avait été le premier à lâcher le FPI à la perte du pouvoir de ce parti, il deviendrait très vite un lointain souvenir pour ses adversaires internes, sauf et seulement sauf s’il se dresse farouchement contre le FPI-de Gbagbo et son allié le PDCI dans un rôle d’opposant.
En attendant d’en arriver là, Affi N’Guessan assiste pour l’heure impuissant au vide qui se fait autour de lui. Les rares poids lourds du FPI qui le soutenaient sont retournés auprès de Laurent Gbagbo. Agnès Monnet (ex-secrétaire générale du FPI Affi) et le ministre Amani Michel ont officiellement rejoint le FPI dirigé par Laurent Gbagbo.