Sous l’impulsion de son hyperactif président Andry Rajoelina, la diplomatie malgache se démultiplie pour attirer
les investisseurs étrangers et faire résonner une voix singulière sur les grands enjeux mondiaux.
Comment faire d’une île relativement méconnue, géographiquement isolée et associée à une persistante image de pauvreté un acteur incontournable pour relever les défis du XXIe siècle ? Andry Rajoelina, le -jeune- président de Madagascar, veut croire avoir trouvé la recette, lui qui depuis sa réélection en 2023 se démultiplie sur la scène diplomatique. Objectif revendiqué : imposer son pays à l’agenda – voire comme l’égal – des grands de ce monde. Et faire, auprès des grands investisseurs, la promotion des richesses de son île. Fin mai, le chef d’État était ainsi à Dubaï, endossant volontiers ses
habits de VRP de Madagascar.
La Grande Île, « un chantier permanent » à la recherche d’investisseurs
Andry Rajoelina avait fait le déplacement aux Émirats arabes unis (EAU) à l’occasion du Madagascar-Dubaï Business Forum, qui se tenait dans la capitale économique émiratie du 27 au 29 mai. Profitant de ce voyage officiel pour inaugurer l’ambassade de Madagascar aux EAU, l’homme fort d’Antananarivo a vanté la bonne santé des rapports diplomatiques, économiques et commerciaux entre les deux pays. « Ce Forum », a lancé l’intéressé devant un parterre d’officiels et d’investisseurs
émiratis, « marque une étape importante dans le renforcement des relations économiques » entre les EAU et la Grande Île.
Car ce sont bien les investisseurs du Golfe qu’Andry Rajoelina était, avant tout, venu séduire à Dubaï. En pleine métamorphose, « Madagascar est en chantier » permanent, leur a dit le chef d’État, « du Nord au Sud, d’Est en Ouest ». Et pour l’aider à se transformer, l’île a « besoin de partenaires
techniques et financiers », a encore appuyé le président malgache, rappelant que son pays est « prêt à accueillir les investisseurs émiratis ». « Ensemble », a-t-il conclu, « construisons des partenariats durables. Ensemble, transformons le potentiel de Madagascar en prospérité partagée. Ensemble,
écrivons une nouvelle page de coopération ».
Un activisme diplomatique tous azimuts
Les relations entre Antananarivo et Dubaï ne datent pas d’hier, mais il est vrai qu’elles connaissent un net regain depuis quelques mois. En témoigne par exemple l’ouverture, en septembre 2024, d’une liaison aérienne entre les deux pays, opérée six fois par semaine par la prestigieuse compagnie Emirates. Ou encore la vivacité des échanges entre les autorités des deux pays, Andry Rajoelina ayant participé en mai 2024 au Annual Investment Meeting (AIM) à Abu Dhabi, et des ministres émiratis s’étant rendus, en octobre dernier, à Antananarivo pour le Forum du Programme d’échanges d’Expériences Gouvernementales (GEEP) – un événement à l’occasion duquel le vice-ministre émirati Abdulla Nasser Lootah a estimé que « Madagascar est l’un des pays les plus stratégiques » pour les
EAU.
Concrètement, les Émirats promettent d’investir quelque 10 milliards de dollars sur la Grande Île. Transports, infrastructures, énergie, éducation, technologies, transformation agricole, gouvernance, tourisme… : le pays d’Andry Rajoelina fait feu de tout bois et offre des opportunités en or aux investisseurs étrangers. L’or, justement, dont le sous-sol malgache est riche et dont les EAU sont le principal importateur : en mai 2024, Abu Dhabi a annoncé son intention de financer la construction de la première raffinerie d’or à Madagascar. Celle-ci devrait permettre de produire 15 tonnes d’or par an, tout en limitant les trafics et réduisant les coûts de traitement en Suisse ou en Turquie – la Turquie avec laquelle Andry Rajoelina a, d’ailleurs, œuvré à raffermir les liens, comptant sur les touristes turcs pour atteindre le million de visiteurs à l’horizon 2028.
À la conférence sur les océans, Andry Rajoelina se fait le porte-voix de l’Afrique
Loin de se reposer sur le seul soutien des grandes puissances occidentales, la stratégie diplomatique déployée par Andry Rajoelina fait donc le pari de miser sur les puissances émergentes ou de taille intermédiaire, comme les Émirats ou la Turquie. Non sans prétendre faire admettre Madagascar à la table des pays qui comptent et compteront au XXIe siècle. Participant, comme une soixantaine d’autres chefs d’État et de gouvernement, au Sommet de Nice sur les océans (UNOC-3), le président malgache a en effet délaissé provisoirement son costume de VRP pour se faire le héraut des pays les plus vulnérables face à la montée des eaux. « Nous ne venons pas ici pour observer, ni pour commenter. Nous venons ici pour agir », a-t-il déclaré devant ses homologues.
« Protéger l’océan, c’est un devoir, une urgence et cela doit être un acte collectif », a encore estimé avant-hier le président malgache, appelant les dirigeants mondiaux réunis sur la Côte d’Azur à passer de la parole aux actes. Confronté comme un certain nombre de pays africains aux phénomènes de surpêche, à la pollution, à la multiplication des cyclones et à l’effondrement de la biodiversité, Madagascar a, sous l’impulsion de son président, bien l’intention de ne pas se résoudre à faire de la figuration dans un siècle de toutes les menaces. Et de le faire savoir.
