Afficher les titres Masquer les titres
Ingénieur et entrepreneur, Sidy Kebe est diplômé d’un MSc en Global Entrepreneurship & Innovation et d’un Master en Management. Passionné par la littérature africaine, la politique et le panafricanisme, il livre une analyse lucide et documentée de la prédation en République démocratique du Congo, depuis l’État indépendant de Léopold II jusqu’à l’ère du cobalt. Si le Rwanda et le M23 sont souvent désignés comme boucs émissaires de l’instabilité, ils ne représentent en réalité que les symptômes d’un système plus profond, dominé par des élites corrompues, des multinationales et des acteurs financiers internationaux qui orchestrent le pillage des richesses congolaises au détriment de son peuple. (Lire d’abord : « Congo : et si le Rwanda n’était qu’un leurre ? 1/3« ).
Rwanda 1994 : le génocide et la poudrière de l’Est
Au Rwanda, le génocide des Tutsi, au cours duquel un million de personnes ont été massacrées, n’est pas un accident : il résulte d’une planification où Belges et Français portent leur part de responsabilité. Lorsque les troupes du Front patriotique rwandais de Paul Kagame mettent fin au massacre, la peur renverse les rôles. Des centaines de milliers de Hutu – civils, soldats, miliciens, mais aussi génocidaires convaincus – fuient vers le Zaïre.
Le Nord-Kivu et le Sud-Kivu deviennent des camps à ciel ouvert. Les ONG montent des tentes, distribuent de l’aide, mais la situation se détériore : les génocidaires reconstituent leurs structures, profitent des dons pour se réarmer et transforment les camps en bases. L’ONU observe, impuissante. Le régime de Mobutu s’effondre peu après, renversé en 1996 par une coalition menée par le Rwanda, l’Ouganda, l’Angola et des rebelles congolais. Cependant la guerre ne cesse pas : des Hutu extrémistes se réfugient dans les forêts congolaises, deviennent les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) et attaquent les Banyamulenge, Tutsi congolais présents depuis des générations mais vus comme des « étrangers ».
Les Banyamulenge se défendent en créant des mouvements comme le RCD, le CNDP, puis le M23. Ces groupes se proclament protecteurs et réclament l’application d’accords de paix. Pourtant, ils ne sont qu’une fraction d’un ensemble de plus de deux cents milices, et leurs profits sont insignifiants comparés à ceux des véritables prédateurs. Les autorités et les médias en font des boucs émissaires, occultant l’horreur commise par d’autres acteurs.
Malgré leur faiblesse militaire, les FDLR restent dirigées par d’anciens génocidaires et bénéficient d’appuis locaux. Pour les Rwandais et les Banyamulenge, tolérer leur présence revient à accepter la résurgence d’une idéologie meurtrière. S’y ajoutent l’absence d’une armée nationale efficace, une justice défaillante et une administration fantomatique ; l’Est du Congo devient une poudrière alimentée par la haine, la peur et l’avidité.
Soutien du CNDP ou du M23 par le Rwanda au Congo : Une guerre de survie
Le Rwanda n’a pas oublié le génocide. Pour Kigali, la présence des FDLR sur le sol congolais est une menace existentielle. Ces milices issues des génocidaires de 1994 se cachent dans la forêt, attaquent des villages et n’ont jamais renoncé à leur haine. Dans ces conditions, soutenir des groupes comme le CNDP ou le M23 apparaît, du côté rwandais, comme un acte de survie. La petite nation enclavée refuse de cohabiter avec ceux qui ont tenté d’exterminer son peuple. Les Banyamulenge partagent cette angoisse.
Cette justification sécuritaire a aussi une dimension économique : la guerre coûte cher. Les milices se financent en taxant les mines et les routes. Le M23 prélève environ 800 000 USD par mois sur le coltan. Cela paraît important, mais c’est infime face aux milliards en jeu. Léopold II aurait tiré plus d’un milliard de dollars de ses exportations de caoutchouc ; aujourd’hui on estime que 24 000 milliards de dollars de ressources gisent encore dans le sous-sol congolais. Les revenus du M23 sont une goutte d’eau dans cet océan de richesse et n’expliquent pas la pauvreté du pays.
La vraie question n’est pas de savoir combien gagnent les milices, mais pourquoi un pays aussi riche reste aussi pauvre. C’est que la violence est un mode de gouvernance et la corruption une culture politique. Les groupes armés se multiplient car l’État est absent ou complice. La guerre est devenue un mode de survie pour les communautés locales, les milices et un État rwandais qui se sent toujours menacé tant que les FDLR subsistent.