« Si j’ai accepté de quitter Kayes (région Ouest) et venir jusqu’à Bamako pour exposer mon savoir-faire, c’est pour montrer à tous les handicapés du Mali que nous, handicapés avons aussi des talents que nous devons accepter d’exploiter », lance avec un brin de fierté, Abi Djarra, une mère de 44 ans, spécialisée dans l’industrie de l’alimentation depuis son adolescence.
Être handicapés, n’est pas un obstacle au travail
A Bamako et dans presque toutes les villes du Mali, il n’est pas rare de voir des handicapés faire la manche à des carrefours ou des coins de rues. Seules dans des fauteuils roulant ou à même le sol, un récipient en main, accompagnées d’un proche ou non, « ces personnes handicapées donnent une image que nous voulons changer par le travail que nous faisons », espère Abi Djarra, évoquant sa propre expérience.
Handicapée moteur à l’enfance du fait de la poliomyélite, cette mère d’une fille et mariée, a « décidé de surmonter (son) état physique pour (s) ‘inscrire à la Fédération régionale des personnes handicapées de Kayes, où (elle a) suivi des formations pratiques de plusieurs mois, dans la confection et la conservation des aliments », explique-t-elle.
Aujourd’hui, Abi est une spécialiste de la conservation moderne des mets locaux, fait de façon traditionnelle. Patte d’arachide, de tomate, poudre de manioc, de Bissap, de Bassi, jus de gingembre, elle dit avoir « tout fait toute seule » et donne la garantie que ces produits dont les prix varient entre 250 FCFA et 6.000 FCFA, sont comestibles jusqu’en 2021, comme marqué sur les étiquettes.
Comme Abi, ils sont près de 200 artistes et artisans handicapés en provenance de toutes les régions du Mali qui ont effectué le déplacement de Bamako, pour la 2e édition du « Handi festival international », organisé sur trois jours (du 16 au 18 octobre 2018), à la place du cinquantenaire de la capitale malienne.
Originaire de Mopti, dans le Nord-Est malien, Amadou Dolo, 32 ans, brandi avec fierté sa carte d’artisan professionnel. Ayant été hospitalisé des mois durant dans son enfance, après un accident de la circulation, le jeune homme n’a pu reprendre le chemin de l’école.
De retour en famille, Amadou s’est mis à la cordonnerie et s’est « formé sur le tas pendant pratiquement 10 ans ». Au « Handi festival international » 2018, c’est un dur à cuire expérimenté qui présente avec beaucoup de sourire des sacs, des chaussures hommes et femmes, fait à base de peaux de moutons, ainsi que des gadgets (porte-clés, objets de décoration) taillés dans du bois.
Au milieu de cette ambiance artistique, ponctuée de musique Manding du terroir Malinké, de causeries par petits groupes, avec quelques fois des rires aux éclats et de familiarité, Aminata Sima, mère de deux enfants, se fraie du chemin avec son fauteuil roulant en présentant aux festivaliers des chemises homme qu’elle a « confectionné avec du Bogolan et du Dalifini », des pagnes traditionnels de la région Ouest du Mali.
Agée de 43 ans, Aminata est veuve depuis peu. Elle affirme que c’est grâce à la couture et le bénéfice réalisé sur les chemises qu’elle vend à 7.500 FCFA l’unité, qu’elle parvient à faire face aux besoins de sa famille. Il y a quelque temps, après avoir suivi une formation d’un mois en chimie, Aminata s’est lancée dans la fabrication de savons liquides pour les ménages. Une autre corde à son arc.