L’ONU fait la lumière sur le massacre de Moura dont le bilan est estimé entre 200 et 400 personnes tuées dans une opération « anti-terroriste » menée par des militaires maliens et les mercenaires russes de Wagner dans ce village du centre du Mali.
Mali – Le massacre de Moura a duré de jour comme de nuit
Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU doit bientôt remettre un rapport au Secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, sur les tueries perpétrées fin mars dans le village de Moura, dans le centre du Mali. Un document sensible qui met directement en cause le rôle des Forces armées maliennes et de ses supplétifs russes du groupe Wagner, et pourrait avoir des répercussions directes sur la présence de l’ONU au Mali.
En effet, dans ce village du centre du Mali connu pour sa foire aux bestiaux, « ce sont les jihadistes qui font la loi », selon des associations locales. L’État y est absent depuis des années et les villageois n’ont pas d’autres choix que de respecter les règles des terroristes,
Les habitants du village y croisent ceux d’Ouro Modi, de Diaby ou de Ngoussiri, à quelques kilomètres de là, ainsi que des dizaines de forains venus de toute la région. Plusieurs hommes de la katiba Macina, groupe jihadiste affilié au Groupe de soutien à l’Islam et aux Musulmans (GSIM – filière sahélienne d’Al-Qaïda), sont aussi présents. La zone, située dans la région de Mopti, est connue pour être l’un de leurs bastions, Moura l’un de leurs principaux points de ravitaillement, rapporte en avril une enquête de Jeune Afrique.
Les témoins de l’attaque de Moura ont formellement identifié des hélicoptères bourrés de soldats blancs et ceux transportant des militaires maliens tirant à bout portant sur les gens.
Une fois les hélicoptères posés, le ratissage du village commence. « Les soldats sont passés de maison en maison, ils ont fait sortir les hommes, ils ont pris tout ce qu’on avait », se souvient Seynou. Certains sont rassemblés au bord du fleuve, à sec en cette période de l’année, d’autres en bordure de la route qui part vers le nord-est.
Bamba lui, a été amené vers le cours d’eau tari, avec des centaines d’hommes, estime-t-il. « On nous a couchés sur le sol jusqu’au soir. Les soldats désignaient quelqu’un du doigt et disaient “c’est un jihadiste”, en fonction de la longueur de son pantalon ou de sa barbe. Alors ils le tuaient. Toute la nuit, ils ont pris des gens et les ont tués », se souvient le jeune homme.
À Moura, les « dégâts » sont estimés entre 200 et 400 morts selon les témoins. Tous concèdent que certaines des personnes tuées étaient des jihadistes, dont la présence n’est nullement niée par les habitants de Moura, mais la plupart des victimes seraient des civils. L’armée malienne, elle, revendique 203 jihadistes neutralisés et 51 interpellés au cours de ce qu’elle qualifie d’opération antiterroriste « de grande envergure ».