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Coupé-décalé, zouglou, reggae : Les musiques ivoiriennes qui ont conquis l’Afrique

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Du reggae (années 80) au zouglou (90) et du coupé-décalé (en 2000) au rap ivoire dès 2020, la Côte d’Ivoire fait danser l’Afrique. Découvrez comment ces musiques ont conquis tout un continent.

La Côte d’Ivoire, berceau de musique urbaine pour faire bouger l’Afrique

Si vous partez d’Abidjan à Douala ou de Lagos (au Nigeria) à Kinshasa, vous réaliserez combien les musiques ivoiriennes sont une force culturelle continentale. Avec le zouglou comme tête d’affiche, le coupé-décalé ou encore le reggae (premier succès exporté par les artistes ivoiriens), ces sonorités bien ivoiriennes racontent l’histoire de ce peuple le plus créatif du continent, fier et serein à rire de tout. Quelques décennies après son indépendance, la Côte d’Ivoire s’est positionnée comme une puissance musicale impressionnante, une réputation construite d’abord par ses artistes traditionnels, capables de rivaliser sur les plus grandes plaques tournantes du continent africain que sont le Nigeria ou le Ghana.

Le zouglou, l’hymne estudiantin devenu la voix du peuple ivoirien

Zouglou - Bilé Didier

Comme toutes les belles naissances, cette musique est née dans la douleur, lors de la grave crise des années 1990. C’est sur les campus d’Abidjan, comme des lanceurs d’alerte, que le zouglou s’est révélé comme un cri social. Les jeunes étudiants exprimaient leurs difficultés et frustrations face au chômage, à la vie chère, mais aussi à la gouvernance difficile du pays. Pour faire passer ce message codé, ils usent de beaucoup d’humour et de rythme.

De grands groupes zouglou comme Bilé Didier et les Parents du Campus ont lancé le pavé dans la mare. Poignon ou encore Bobi Yodé, Système Gazeur, Les Garagistes, Magic System, Poussins Chocs de Yodé & Siro, Espoir 2000… ont révolutionné la musique en Côte d’Ivoire. Une identité unique, une marque infalsifiable, caractérisée par une musique de vérité, assez simple dans la composition mais authentique, place la Côte d’Ivoire au-devant de la scène africaine et plus tard internationale.

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Quelques années plus tard, le succès planétaire du groupe Magic System avec son titre iconique Premier Gaou a ouvert la voie à l’exportation de la musique made in Côte d’Ivoire. Auparavant considéré comme une musique peu structurée, le zouglou sort des campus et des ghettos d’Abidjan pour s’inviter sur les scènes du monde entier.

Aujourd’hui, cette sonorité reste un symbole d’unité et d’optimisme. Le zouglou est capable de rassembler toutes les générations ainsi que les citoyens d’ici et d’ailleurs en diaspora.

Le coupé-décalé : la revanche du style ivoirien

Dj Arafat - Coupé Décalé

Le zouglou est le consolateur de l’Ivoirien, mais le coupé-décalé est celui qui lui fait vivre le futur qu’il espère dans son présent parfois plus nuancé. Né au début des années 2000 à Paris, les Ivoiriens de France défient leurs compatriotes restés au pays. Avec à sa tête feu Douk Saga, patron de la Jet Set, le coupé-décalé bouscule l’autorité du zouglou sur la scène ivoirienne.

Ce mouvement a transformé la façon de vivre la fête de l’Ivoirien, notamment en important dans le pays l’exposition d’une richesse exagérée, style congolais. Ses pas de danse codés, un langage propre accompagné d’une philosophie : travailler, briller et se faire plaisir.

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Le coupé-décalé, au contraire du zouglou, ne prône pas l’apitoiement sur soi. Les vrais problèmes de la vie, cette musique veut les faire oublier, et Douk Saga n’y va pas de main morte. Sur chacune de ses scènes, l’ex-bras droit de Molare distribue des liasses de billets de banque, signe d’une richesse évidemment exagérée.

En très peu de temps, le coupé-décalé est devenu plus qu’un genre musical : un symbole de réussite qui a placé la Côte d’Ivoire sur la carte de l’Afrique et plus tard du monde. Si le décès du précurseur Douk Saga en 2006 à tout juste 32 ans a fait redouter une extinction de ce genre musical, d’autres prodiges prendront plutôt la suite avec une tout autre approche.

La nouvelle génération du coupé-décalé, incarnée par feu DJ Arafat (décédé lui aussi à 33 ans en 2019), Debordo Leekunfa, Serge Beynaud ou Ariel Sheney, a modernisé le son et s’est éloignée du train de vie ostentatoire et de la distribution de billets de banque. Pour n’en rester qu’à la musique, Arafat et ses compères ont ajouté à la sauce le lingala mal maîtrisé, cette langue bantoue du Congo. Le style des nuits chaudes abidjanaises va rapidement s’exporter dans les clubs de Dakar, Libreville et Kinshasa.

Aujourd’hui encore, l’influence du coupé-décalé est toujours très forte au point d’être intégrée dans l’afrobeat et l’amapiano. C’est définitivement la preuve que la Côte d’Ivoire inspire sur la scène africaine contemporaine.

Le reggae ivoirien qui résiste

Alpha Blondy - reggae

En Côte d’Ivoire, avant le zouglou et le coupé-décalé, le reggae était la seule musique véritablement exportable. Alpha Blondy, la plus grande star du reggae de l’époque, a fait de l’Afrique la seconde patrie de cette musique après la Jamaïque. Dès 1980, Abidjan est devenue la capitale spirituelle du genre africain, et l’émergence sur la même scène d’Ismaël Isaac et un peu plus tard de Tiken Jah Fakoly a donné au reggae une voix africaine plus engagée, aussi dénonciatrice des maux de la société que le zouglou qui l’avait éclipsé.

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Mais Alpha Blondy traverse les époques et les âges. Aujourd’hui encore, il est considéré comme la plus grande star de la musique ivoirienne de tous les temps. C’est l’homme qui a nationalisé le reggae en le chantant en langue dioula ou en français pour toucher plus de monde. Tiken Jah Fakoly est venu marcher dans les traces de la légende ivoirienne en s’attaquant à des sujets plus politiques.

Sa dénonciation de la corruption ou de l’injustice lui conférait un rôle de surveillant de la société. Mais depuis la prise de pouvoir d’Alassane Ouattara, qu’il semblait soutenir déjà à l’époque, sa voix résonne de moins en moins malgré les travers toujours tenaces de la société. Un silence sur le mal qui impacte aussi sa carrière, puisqu’il a été littéralement éteint par la nouvelle génération d’artistes.

Le rap ivoire, le succès par l’insistance

Rap Ivoire - Didi B

Et puis en Côte d’Ivoire, terre de créations multiples, il y a aussi le rap ivoire. Porté par RAS, ce style de rap a pris le dessus sur les autres genres musicaux à plusieurs moments. Il a notamment cohabité avec le zouglou et le reggae, mais un peu moins avec le coupé-décalé avant de lui reprendre le micro avec de gros noms comme Didi B, Suspect 95, KS Bloom et, tout récemment, Himra, un phénomène qui draine des foules.

D’Abidjan à Paris, en passant par de nombreuses capitales africaines, le rap made in Côte d’Ivoire s’impose. Sur les réseaux sociaux où se déroulent les meilleures batailles dans ce genre, tout se compte en vues, en streams enregistrés et en clashs.

Musiques ivoiriennes : Une génération connectée et fière

Refusant de se cantonner dans une catégorie, une nouvelle vague d’artistes ivoiriens fusionne ces héritages. Roseline Layo ou Josey, Team Peya, à partir des codes du zouglou et du coupé-décalé, créent de nouvelles tendances faites également de rap, de pop ou de gospel.

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La Côte d’Ivoire défie présentement l’Everest de la musique africaine qu’est le Nigeria et ses grosses stars comme Davido, Rema, Burna Boy ou la charmante Ayra Starr. Les sons ivoiriens s’exportent de plus en plus facilement dans les autres pays africains, et leur percée en France, territoire difficile à conquérir, marque une véritable mondialisation de la musique ivoirienne.

Team Peya - Musique urbaine afrobeat

Pourquoi la musique ivoirienne séduit toute l’Afrique

Trois forces expliquent ce succès durable de la musique ivoirienne :
1. L’identité : chaque genre musical ivoirien raconte une part de la société ivoirienne, parfois en humour, en résilience et toujours avec foi.
2. La créativité : les artistes ivoiriens innovent souvent et rapidement sans jamais perdre leurs racines.
3. La puissance collective : entre labels, DJs, influenceurs et médias, un véritable maillage de l’écosystème soutient la scène locale.

Une influence promise à un grand avenir

Les artistes de la Côte d’Ivoire ont su transformer leurs sons en ambassadeurs culturels. Leurs musiques, qui s’exportent à travers le globe, font danser l’Afrique, mais elles présentent aussi le pays au monde.

Entre le message qui caractérise le zouglou, la fête du coupé-décalé ou la sagesse du reggae, la musique ivoirienne n’est pas qu’un simple divertissement : c’est une signature, un travail sérieux, perfectible et adaptable.

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