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- Sommet numérique de Cotonou : l’Afrique vise un nouvel élan digital dès 2028
- De la fracture numérique à la puissance de marché
- Lier l’essor de l’IA et l’emploi
- Un calendrier et un tableau de bord pour sortir de la simple déclaration d’intention
- Pourquoi il était logique que le Bénin soit en pointe
- Ce qu’il faudra regarder maintenant
En deux jours de travaux pour le sommet numérique de Cotonou, les ministres du Numérique et des Finances de 22 pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre ont cherché à changer de catégorie : passer d’un discours général sur la « fracture numérique » à un agenda chiffré pour faire de la région un acteur crédible de l’économie digitale mondiale. Co-organisé par le gouvernement béninois et un ensemble de partenaires internationaux, le sommet s’est conclu par l’adoption de la « Déclaration de Cotonou », qui engage les États sur des objectifs précis en matière de connectivité, d’intelligence artificielle et d’emplois.
Sommet numérique de Cotonou : l’Afrique vise un nouvel élan digital dès 2028
Quelques jours avant le sommet, le ministre béninois de l’Économie et des Finances, Romuald Wadagni, cosignait une tribune avec le vice-président de la Banque mondiale pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, Ousmane Diagana. Il y rappelait que, depuis plusieurs mois, le Bénin travaillait avec ses partenaires (dont la Banque mondiale, co-organisatrice du sommet) pour bâtir cette dynamique. La tribune annonçait des réformes concrètes : ouvrir réellement l’accès au numérique en réduisant l’écart d’usage, rendre les données plus abordables pour les familles, former massivement aux compétences numériques, soutenir les innovations locales qui changent le quotidien et construire un marché numérique régional capable de créer des milliers d’emplois.
De la fracture numérique à la puissance de marché
Le constat de départ est désormais bien connu : en Afrique de l’Ouest et du Centre, une minorité seulement de la population utilise Internet, alors que la couverture réseau progresse rapidement. Le problème n’est plus seulement de « couvrir » les territoires, mais de rendre l’accès abordable, de fiabiliser les services et d’accompagner les usages par des compétences adaptées.
La Déclaration de Cotonou assume aussi une ambition de marché. Les ministres veulent faire de la région un espace numérique intégré, capable de soutenir des plateformes et des services qui ne s’arrêtent pas aux frontières. Les États s’engagent à déployer des infrastructures numériques publiques interopérables – identité numérique, paiements, données – et à rapprocher leurs cadres de cybersécurité, de protection des données et de gouvernance de l’IA. L’enjeu est de créer un environnement de confiance susceptible d’attirer les investisseurs et de faire émerger des champions régionaux.
Lier l’essor de l’IA et l’emploi
Le sommet numérique de Cotonou ne s’est pas limité aux questions d’infrastructures. Une large place a été accordée à l’intelligence artificielle, désormais au cœur des transformations économiques. À Cotonou, les pays ont refusé de rester de simples consommateurs de technologies importées. Ils affirment leur volonté de développer leurs propres capacités, leurs centres d’excellence et leurs règles du jeu autour de l’IA.
La dimension sociale est centrale. La déclaration finale met en avant la création de nouveaux emplois liés au numérique et à l’IA à l’horizon 2028, avec un accent particulier sur les jeunes et les femmes. Elle s’inscrit dans un diagnostic partagé : dans les prochaines années, une part croissante des emplois exigera un socle de compétences numériques. Sans investissement massif dans la formation, la promesse de « révolution numérique » risque de se transformer en facteur d’exclusion.
Un calendrier et un tableau de bord pour sortir de la simple déclaration d’intention
L’un des apports politiques de Cotonou tient au calendrier qu’il fixe. Les États ne se contentent pas d’un cap lointain à 2030 : ils acceptent un premier bilan dès 2028, à partir d’un tableau de bord régional. Celui-ci devra suivre l’évolution du coût des données, de l’usage d’Internet dans les zones rurales, de la part des services publics accessibles en ligne, du poids de l’économie numérique dans l’emploi ou encore du nombre d’entreprises actives dans le digital.
Pour nourrir ce suivi, la Déclaration de Cotonou prévoit l’organisation d’un forum annuel sur la transformation numérique, réunissant gouvernements, institutions régionales, secteur privé, société civile, acteurs de la recherche et partenaires techniques et financiers. Chaque pays est invité à formaliser un « pacte numérique » national, qui précisera ses priorités de réforme et la mobilisation de financements publics et privés.
Pourquoi il était logique que le Bénin soit en pointe
Depuis plusieurs années, le Bénin a engagé une stratégie de modernisation de l’État par le numérique, avec la dématérialisation progressive de nombreux services administratifs, des investissements dans les infrastructures de connectivité, une réflexion avancée sur l’identité numérique et la protection des données, ainsi qu’un positionnement assumé sur le numérique comme levier de jeunesse, de transparence et de diversification économique.
Cette trajectoire lui donne une crédibilité particulière pour accueillir un débat régional : le pays est confronté aux mêmes défis que ses voisins, mais dispose d’une expérience concrète de réformes, d’alliances et de projets à partager.
Ce qu’il faudra regarder maintenant
Le Sommet numérique de Cotonou ne sera pas jugé à ses photos de famille, mais à ce qui se passera dans les prochains budgets, les prochaines lois et les programmes de formation. La crédibilité de la Déclaration dépendra de la capacité des États à ouvrir réellement l’accès au numérique, à faire baisser le coût de la connectivité, à intégrer les compétences digitales dans les systèmes éducatifs et à soutenir les innovations locales au-delà des effets d’annonce.
Pour les opinions publiques, la question est simple : savoir si, en 2028, les engagements pris à Cotonou auront changé quelque chose au quotidien – pour une agricultrice qui suit les prix sur son téléphone, pour un étudiant qui suit un cours en ligne, pour une développeuse qui lance une start-up régionale, pour un jeune qui décroche son premier emploi grâce au numérique. C’est ainsi que se mesurera le véritable tournant amorcé – ou non – à Cotonou.

