À Cotonou, le calme et le dynamisme déjà retrouvés après le putsch manqué

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À Cotonou, au carrefour de Vêdoko lundi matin, les klaxons se mêlaient aux cris des vendeuses d’oranges. Des taxis jaunes slaloment entre les zémidjans, les motos-taxis, comme n’importe quel début de semaine de décembre. À première vue, rien ne rappelle les heures de tension qui ont secoué Cotonou la veille, quand un groupe de militaires a tenté de renverser le président Patrice Talon.

La veille encore, des coups de feu étaient entendus autour de la présidence, de la zone du port et du siège de la télévision nationale, brièvement occupée par les apprentis putschistes. Ce lundi 8 décembre, les mêmes axes voient défiler fonctionnaires, commerçants, élèves en uniforme et cadres pressés, dans un décor de ville qui semble déjà avoir tourné la page.

Cotonou : Bureaux ouverts, écoles pleines, marchés animés

Dès l’aube, les administrations ont rouvert normalement. Devant les ministères du centre-ville, les va-et-vient des agents reprennent comme un lundi ordinaire ; les files se reforment aux guichets des services publics. Aucun mot d’ordre de grève ni appel à rester chez soi n’a circulé ce matin-là, les autorités ayant explicitement invité la population, dès le discours présidentiel de la veille, à vaquer sereinement à ses occupations.

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Dans les quartiers populaires de Zongo, Akpakpa ou Saint-Michel, les écoliers ont repris le chemin des classes, cartables sur le dos. Les écoles privées, souvent promptes à fermer au moindre signe d’instabilité, ont elles aussi ouvert leurs portails. Les universités et instituts supérieurs ont maintenu examens et cours, signe important pour des milliers d’étudiants dont le calendrier académique n’a pas été interrompu.

Autour du grand marché Dantokpa, les étals se remplissent de légumes, de tissus, de pièces détachées importées. Les commerçants racontent, à demi-mot, la peur de la veille, quand la rumeur d’un « coup » s’est répandue dans les allées. Mais ce lundi, l’enjeu est de rattraper une demi-journée perdue et de faire entrer un maximum de recettes dans la caisse avant les fêtes de fin d’année.

Des forces de sécurité visibles, mais pas omniprésentes

Sur le plan sécuritaire, la présence de l’État reste perceptible sans être écrasante. Quelques points de contrôle supplémentaires jalonnent les axes menant à la présidence ou à certains camps militaires. Des pick-up de police stationnent à des carrefours stratégiques, mais les blindés ne sont pas de sortie. La plupart des témoins décrivent une ville « normale », où la police est visible sans que la militarisation de l’espace public ne soit ressentie comme intrusive.

Les forces armées, elles, restent concentrées sur les sites sensibles et sur la traque des derniers mutins. Deux hauts gradés (le chef d’état-major de l’armée de terre et le chef de la garde nationale) retenus en otage par les putschistes ont été libérés dans la nuit, confirmant que l’épisode des séquestrations est clos. Une douzaine de militaires, présentés comme impliqués dans la tentative de coup d’État, ont été arrêtés ; le meneur présumé, Pascal Tigri, serait toujours en fuite, selon plusieurs sources.

Confiance renouvelée des investisseurs internationaux

Les investisseurs obligataires ont, sans surprise, réagi immédiatement à la poussée de risque politique. Les eurobonds béninois ont reculé d’environ 1,5 à 1,8 point sur les maturités longues avant de se stabiliser. Le mouvement a été net mais maîtrisé : les titres sont restés liquides, les spreads se sont élargis sans déraper et la structure de la courbe ne renvoie pas l’image d’une crise de confiance durable. En clair, les marchés ont corrigé à chaud, puis intégré assez vite trois données rassurantes : l’ampleur limitée de la tentative, la reprise rapide du contrôle par l’État et l’absence de changement dans les fondamentaux économiques à très court terme.

C’est là un élément central. Depuis plusieurs années, le Bénin construit sa crédibilité macroéconomique, en tenant ses déficits, en pilotant sa dette avec prudence, en utilisant les marchés internationaux pour financer des infrastructures clés et en positionnant Cotonou comme hub logistique du Golfe de Guinée. La tentative de coup d’État n’a pas remis en cause cette trajectoire, elle l’a testée. La façon dont les marchés ont réagi montre qu’un pays qui a travaillé sa signature financière peut encaisser un choc politique ponctuel sans voir sa prime de risque s’envoler.

Un « jour d’après » assumé

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Dans les faits, Cotonou a offert dès les jours qui ont suivi l’image d’une ville qui a encaissé un choc politique sans basculer dans le chaos : les enfants sont à l’école, les salariés au travail, les avions décollent de l’aéroport, les camions entrent et sortent du port, et les terrasses se remplissent au coucher du soleil.

La tentative de putsch a rappelé la solidité des fondations des institutions béninoises. Au lendemain de cette poussée de fièvre, ce que donnent à voir les rues de Cotonou, ce sont d’abord les réflexes d’une société décidée à reprendre au plus vite le fil normal de sa vie quotidienne et à laisser la logique des coups d’État à la porte de ses institutions.


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