Quitus fiscal : l’éternelle controverse des périodes électorales au Bénin

Afficher les titres Masquer les titres

Au Bénin, le quitus fiscal est devenu une pièce maitresse exigée dans le cadre de la constitution des dossiers de candidature aux différentes élections. Ce document délivré par l’administration fiscale atteste est un véritable casse-tête pour bon nombre de potentiels candidats. À la veille de chaque élection, il constitue une pomme de discorde, car perçu comme un instrument mis en place par le pouvoir pour éliminer ses redoutables adversaires. L’élection présidentielle de 2026 ne fait pas exception à cette éternelle controverse, surtout que cette fois-ci, le patron de l’administration fiscale est lui-même candidat.

Bénin : quitus fiscal pour les élections, entre attentes de transparence et frustrations persistantes

Document administratif destiné à tout citoyen, le quitus fiscal est devenu un sésame précieux pour les acteurs politiques désireux d’occuper des postes électifs. C’est l’article 41 du Code électoral qui l’impose. Cette réforme engagée depuis 2019 à l’occasion de la relecture du Code électoral fait son petit bonhomme de chemin tant bien que mal. Tous les acteurs s’accordent sur la pertinence de la réforme, mais la mise en œuvre suscite des grincements de dents.

Le parti d’opposition Les Démocrates est convaincu que ce document qui est destiné à instaurer la discipline fiscale est utilisé pour « régler des comptes politiques ». « Le quitus fiscal en 2019, tout comme lors des élections législatives de 2023, a été massivement utilisé par le régime en place pour régler des comptes politiques à ses adversaires politiques, quand bien même ces derniers avaient une situation fiscale zéro. Autrement dit, ces derniers ne devaient aucun impôt à l’État du Bénin », a déclaré Guy Mitokpè, porte-parole du parti.

A lire aussi : Bénin – Présidentielle 2026 : quitus fiscal disponible, voici les conditions

Pour l’élection présidentielle de 2026 qui s’annonce, le parti exprime encore des inquiétudes, toujours en les liant avec le fameux quitus fiscal. Après l’ouverture de la plateforme de demande, les démocrates ont dit avoir été renforcés dans leur crainte. En effet, le formulaire que les demandeurs doivent remplir comporte une question qui visiblement embarrasse. « Comment comprendre qu’il soit demandé aux postulants sur la plateforme de préciser le type d’élections pour lequel la demande de quitus fiscal est faite ? De plus, la plateforme oblige les citoyens à ne pouvoir faire la demande que pour un seul type d’élection », relève le parti.

De la part de l’administration fiscale, cette question est strictement une exigence illégale, voire une manœuvre dolosive pour filtrer ou pour faire barrière à « certaines » candidatures.

Constant Sinzogan, activiste politique

Pour le parti de Boni Yayi, il est clair que « cette limitation viole les dispositions du Code électoral, car rien n’interdit à un citoyen de faire son dossier de candidature pour toutes les élections quand on sait que le dépôt des dossiers se fait à des dates différentes ».

La DGI corrige le tir…

Suite aux dénonciations des démocrates et certains activistes politiques sur les réseaux sociaux, la Direction générale des impôts (DGI) a corrigé le formulaire après avoir échangé avec une délégation du parti dénonciateur. « À l’issue des échanges et après consultation des autorités de la CENA, il a été convenu de donner une suite favorable à la requête du parti « Les Démocrate » et de revoir, en conséquence, le paramétrage de la plateforme », a-t-elle indiqué dans un communiqué.

Toutefois, les services techniques ont tenu à expliquer la raison qui justifie le premier paramétrage qui obligeait les demandeurs à préciser l’élection pour laquelle le quitus est demandé. « En effet, il sied de traiter par ordre de priorité les demandes, étant donné que les dates de dépôt des dossiers à la Commission Électorale Nationale Autonome (CENA) ne sont pas les mêmes pour les différentes élections ». Pour l’administration fiscale, les demandeurs connaissent les conditions et tout se passera dans les règles.

A lire aussi : Quitus fiscal au Bénin : la DGI répond aux Démocrates

Dans le cadre des élections législatives de 2023, la Direction générale des impôts s’était déjà défendue face aux accusations d’impartialité et de règlement de comptes politiques. Elle avait assuré que son travail est purement technique et sans partie prise.

Guy Mitokpè appelle à plus de transparence

Malgré le réajustement du formulaire et les assurances des fiscs, l’opposant Guy Mitokpè reste vigilant. Selon ses dires, les démocrates ont encore des réserves. Il invite les autorités compétentes à montrer « la plus grande transparence pour que tout le monde puisse aller vers cette plateforme avec le cœur dégagé et le cœur en paix et ouvert ».

Après cette séance de travail avec le directeur général des impôts, je peux aisément dire que nous continuons de rester sur notre faim.

Dans sa revendication de transparence autour du processus de délivrance du quitus fiscal, le parti Les Démocrates exige la démission de Romuald Wadagni, ministre d’Etat en charge de l’économie, des finances et de la coopération et candidat à la présidentielle désigné de la mouvance. Le parti dénonce le risque d’un « délit d’initié », la DGI étant placée sous sa tutelle.

Le quitus fiscal, le document qui brise les ambitions politiques ?

Les déboires liés à l’obtention de quitus fiscaux pour les politiciens n’épargnent aucun camp. Il est vrai que les plaintes sont généralement remontées par les opposants, mais les partisans du régime ne sont pas moins épargnés. Pour les législatives de janvier 2023, l’honorable Nazaire Sado, député BR de la 8e législature, s’est vu éjecté de la liste des candidats pour défaut de quitus fiscal.

Malgré sa déception, il n’accuse pas les fiscs. Il reconnaît être le seul fautif. « C’est vraiment difficile, très difficile pour moi, mais on est obligé de supporter, car la loi est faite aussi bien pour les dirigeants que pour les populations à la base », avait-il indiqué. En retard dans les procédures, le parlementaire membre de la mouvance présidentielle avait été confronté à la rigueur de la DGI. « L’administration fiscale a été très ferme. Je l’ai appris à mes dépens », avait-il dit.

En 2023, Les Démocrates ont également vécu des heures chaudes dans le cadre de l’obtention des quitus fiscaux. Le parti s’est retrouvé avec des potentiels candidats qui traineraient plusieurs centaines de millions en dettes fiscales. Ces points faits à quelques jours de la clôture de la procédure de délivrance des quitus avaient mis le parti en grandes difficultés.

A lire aussi :

Selon les informations recueillies à l’époque, Patrick Djivo, Justin Adjovi et Jean-Marie Allagbé devaient verser respectivement huit cents millions (800 000 000) francs CFA, six cents millions (600 000 000) francs CFA et quatre-vingt-six millions (86 000 000) francs CFA pour être à jour afin d’obtenir leurs quitus fiscaux.

À la fin, ils n’ont pas eu gain de cause. Ils avaient donc été retirés de la liste des candidats du parti Les Démocrates. Leurs recours adressés à la Cour constitutionnelle contre la DGI n’avaient pas prospéré.

Donnez votre avis

Soyez le 1er à noter cet article



Afrique sur 7 est un média indépendant. Soutenez-nous en nous ajoutant à vos favoris Google Actualités :