17 janvier 2013, Charles Blé Goudé a été arrêté à Accra, où il s’était réfugié à l’issue de la crise postélectorale. Guillaume Soro, son ancien compagnon de la lutte syndicale, lui avait pourtant conseillé de se rendre à la justice de son pays.
Guillaume Soro et Charles Blé Goudé à l’école de la vie et des choix politiques
Guillaume Soro et Charles Blé Goudé ont fait la même école de vie. Celle de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI) que ces deux jeunes leaders des cités universitaires et autres campus ivoiriens ont dirigée l’un après l’autre. Cependant, après le milieu universitaire, les deux compagnons ont emprunté, chacun son chemin. Chemin qui les conduira à avoir des fortunes diverses. Propulsés sur la scène politique aux côtés d’Alassane Ouattara, pour Soro, et de Laurent Gbagbo, pour Blé Goudé, ces fers de lance ont mené divers combats aux côtés de leurs mentors.
Septembre 2002, Guillaume Soro débarque en Côte d’Ivoire, à la tête d’une rébellion, pour tenter de renverser le pouvoir de Gbagbo, le président d’alors. Blé Goudé, quant à lui, suspend ses études à Manchester pour prêter main-forte au pouvoir d’Abidjan afin de mener la résistance… La suite, on la connaît. Blé Goudé Charles se réfugiera au Ghana à la suite de la crise postélectorale de 2010-2011, avec sur le dos, un mandat d’arrêt international. Alors qu’il était dans sa cachette et endormi, l’ancien ministre ivoirien de la Jeunesse est tiré de son sommeil par huit policiers ghanéens et ivoiriens, tous en civil, qui le forcent à monter dans une voiture. Direction Abidjan.
Guillaume Soro à Blé Goudé : « Au lieu de mener une vie de fugitif, je serais venu dans mon pays pour affronter la justice »
Dans une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux à l’époque, Soro Kigbafori Guillaume révélait : « J’ai eu Blé Goudé au téléphone à quelque une semaine de son arrestation au Ghana. Par le truchement d’un journaliste, Blé Goudé m’a appelé et a souhaité me parler. Il m’a dit ses difficultés. Et je lui ai donné un conseil que je pensais sage. » « Monsieur Blé, vous savez, j’aurais été à votre place, au lieu de mener une vie de fugitif, je serais venu dans mon pays pour affronter la justice de mon pays. »
Poursuivant, le Président de l’Assemblée nationale d’alors ajoute : « Je pense que ce n’est pas un discours qu’on a envie d’entendre quand on est fugitif. Je crois qu’il ne m’a pas compris. Je pense que la suite des évènements m’a donné raison. Si lui-même avait pris l’initiative, au nom de la réconciliation nationale, d’appeler les autorités ivoiriennes pour dire « Oui, je suis réfugié au Ghana. Je veux qu’Amnesty international ou telle organisation des droits de l’homme et mes hôtes ghanéens m’accompagnent dans mon pays. Je suis prêt à aller devant les tribunaux de mon pays » » .
Et pourtant, Blé Goudé n’a pas suivi les conseils de son ex-compagnon. Ce que déplore ce dernier. « Il serait apparu plutôt comme un héros ou un courageux, que d’aller se faire prendre comme un rat dans un trou, et de venir là par la petite porte », a réagi Soro.
« Pourquoi vouloir utiliser cette vidéo ? », réagit un pro-Soro
Cette vidéo qui date d’il y a plus de 8 ans, est revenue à la surface, mercredi, à la suite de la condamnation à la prison à vie par contumace de Guillaume Soro par le Tribunal criminel d’Abidjan dans l’affaire de «complot et tentative d’atteinte à la sureté de l’État ». Soro vit en effet en exil en Europe depuis son retour manqué à Abidjan, le 23 décembre 2019. Une première condamnation à 20 ans de prison pour « Recel de détournement de deniers publics », et une seconde condamnation à vie pour « complot et tentative d’atteinte à la sureté de l’État ».
Mais Guillaume Soro n’est visiblement pas prêt à affronter la justice de son pays comme il l’avait conseillé à Charles Blé Goudé. Comme s’il obéissait à l’adage : « Fais ce que je dis, ne fais pas ce que je fais ». L’un des proches de Soro qui a (re) visionné la vidéo, n’a pas manqué de réagir ainsi : « Pourquoi vouloir utiliser cette vidéo ou un ministre de la République conseille son ancien camarade de cité, soumis à un régime de sanction de l’ONU depuis 2006, étant également dans la ligne de mire de la Cour pénale internationale (CPI) ? ».
« Aux yeux du monde entier, Charles Blé Goudé avait une part de responsabilité. En aucun cas, il ne s’agissait d’une chasse à l’homme ou d’un assassinat politique… Vous ne pouvez pas dire à Soro d’appliquer ses conseils quand la justice ivoirienne aux ordres de Ouattara est désavouée par la CADHP sur des décisions de justice concernant le même Soro. Il y’a bel et bien une volonté manifeste d’instrumentaliser la justice pour assassiner politiquement Guillaume Soro », a-t-il conclu.
Comparaison n’est certes pas raison, mais pensez-vous que les conseils que Guillaume Soro a prodigués à Blé Goudé peut-il se les appliquer lui-même ?