Le business du cacao génère près de 150 milliards de dollars par an. Les pays producteurs ne captent que 6% à la place des 20 milliards de dollars par an. Afrique-sur7.ci, après un reportage au Salon du chocolat de Paris, propose une solution.
Business du cacao : Savez-vous d’où vient votre chocolat ?
Difficile de trouver en Occident une famille qui ne consomme pas de chocolat plusieurs fois dans la journée. Cette matière première issue du cacao est présente sur toutes les tables dans les sociétés occidentales grâce aux efforts des paysans planteurs d’Afrique et d’Amérique du Sud. Cependant, la Côte d’Ivoire, premier pays producteur de Cacao avec 40% de la production mondiale, voit la situation de ses paysans planteurs se dégrader année après année. Cette situation est loin d’être une fatalité et peut changer en quelques mesures.
En effet, chaque année, près de 150 milliards de dollars sont générés dans le business de la fève de cacao. Curieusement, c’est seulement 6% de cette manne financière que captent les pays producteurs de cacao pour rétrocéder à peine 2% de ces gros sous aux paysans planteurs. Le reste de l’argent est partagé entre les innombrables intermédiaires, les transformateurs et les distributeurs au détriment des producteurs. Certains professionnels de la fabrication du chocolat militent pourtant pour une juste répartition des richesses. Pierre Mirgalet »Pâtissier chocolatier, meilleur ouvrier de France 2021 » estime, dans un reportage de Afrique-sur7.ci, qu’il faut aider les paysans africains à mieux vivre de leurs productions.
Connaissez-vous la situation des planteurs de Cacao ?
En Côte d’Ivoire, l’agriculture dans le domaine du cacao n’est pas motorisée. Les paysans désherbent à la main plusieurs hectares de terres avant de planter les cacaoyers qui mettront minimum quatre ans avant d’arriver à la taille adulte pour produire les premières cabosses de cacao. Pendant ces quatre années, les paysans désherbent plusieurs fois par mois pour éviter que les cacaoyers ne soient tués par les mauvaises herbes. Pendant ces années de dur labeur, ils ne perçoivent aucune aide. Une fois que la production de cacao commence enfin, pour un hectare de plantation, le planteur peut espérer une récolte estimée à 400 kg de cacao. Il va cueillir les cabosses, les casser, les faire fermenter pour ensuite commencer à les sécher quelques jours plus tard. Tout ce travail de fourmi se fait à la main et prend plusieurs jours.
Cela n’est donc pas surprenant de voir un paysan cultivateur de cacao apparaitre beaucoup plus âgé qu’il ne l’est. Ils sont tous littéralement essorés par ce produit tellement bon et tellement demandé sur les tables des pays développés. Les paysans ivoiriens ont parfois pensé qu’une multiplication par deux de leurs productions permettrait de gagner plus d’argent. De 1987 à 2007, la production du cacao a doublé pour répondre à l’appel de tous les gourmands de ce produit porté par la terre. Pour autant, les paysans n’entrent pas toujours dans leurs frais à cause d’une mauvaise répartition des bénéfices.
Business du cacao : l’histoire derrière la sueur des enfants
Dès que la production devient abondante, le lobby du cacao fait pousser dans certains groupes de médias qu’ils contrôlent des scandales d’exploitation d’enfants dans les plantations de cacao. Les prix de ce produit baissent alors par la suite, obligeant le paysan à vendre le double de sa récolte presque au prix d’une seule. Les intermédiaires achètent et stockent des tonnes de cacao qu’ils revendent ensuite pour réaliser de beaux bénéfices. Les enfants des pays développés continuent de recevoir leur chocolat chaud à table le petit matin, dans leurs gâteaux sans se douter du drame vécu par les pauvres paysans.
Le fils du paysan n’a parfois aucune chance de voir le résultat du produit pour lequel ses parents se tuent quotidiennement à la tâche. Avec des productions sous-payées, comment le villageois peut-il salarier des personnes adultes qui portent elles aussi leurs familles ? Si le lobby du cacao était vraiment soucieux de production, il prendrait le problème à la racine en luttant pour une augmentation des gains des paysans. Comme des chefs d’entreprises, ces derniers pourraient alors se faire aider par des personnes adultes qu’elles pourraient salarier sans problème.
Combien le paysan vend-il son produit ?
Aujourd’hui en Côte d’Ivoire, le paysan vend à 825 francs CFA (1,25 euro) le kilo de son cacao. Pour un hectare, il va gagner près de 330 000 FCFA, donc 500 euros. Avec ses deux récoltes par an, le paysan se retrouve avec à peine 1000 euros l’année pour un hectare de plantation. Avec les problèmes écologiques que nous connaissons, il n’est pas bon d’encourager les paysans à défricher toujours plus de terres pour planter du cacao. La culture sauvage de ce produit pouvant aggraver les problèmes de l’environnement, seule une redistribution équitable des bénéfices peut permettre le respect de la nature.
Business du cacao : Quelle est la vraie valeur du cacao ?
Nous avons fait un passage au Salon du chocolat de Paris porte de Versailles en octobre 2021. Nous avons visité quelques stands pour observer les prix pratiqués par les chocolatiers. Une plaquette de chocolat de 100 g avec seulement 70% en teneur en chocolat est vendue entre 7 euros et 8 euros. Un petit calcul permet d’affirmer que le cacao est vendu au moins 4,9€ dans chaque plaquette de 100 g, ce qui fait 70€ le kilogramme de cacao une fois transformé, soit 45 850 FCFA.
Pierre Mirgalet, avec les pâtissiers engagés, souhaite justement la suppression des intermédiaires qui perpétuent la pauvreté des paysans planteurs. « On est en train de participer au chocolatier engagé. L’on veut justement supprimer ces intermédiaires. On est quelques-uns à opérer pour l’instant, à voyager, à rencontrer les planteurs pour supprimer les intermédiaires », confiait-il à Afrique-sur7.ci le 1er novembre 2021, dernier jour du Salon du chocolat de Paris.
La complicité des pays producteurs de cacao
Les dirigeants de pays producteurs de cacao sont complices des intermédiaires qui raflent tous les bénéfices sur leur passage. En ne faisant rien pour protéger les producteurs, la Côte d’Ivoire, le Ghana et tous les pays producteurs de cacao se rendent complices de ceux qui arrachent le pain de la bouche des paysans. Des mesures très simples suffisent pourtant pour rééquilibrer les choses afin de permettre aux paysans de tirer profit de leur travail.
Business du cacao : la Côte d’Ivoire pourrait devenir plus riche
Pour capter une bonne partie de l’argent du cacao, la Côte d’Ivoire et les pays producteurs de cacao doivent prendre des mesures simples. Abidjan doit investir dans des usines de transformation. Plus aucune fève ou très peu ne devraient sortir du pays sans avoir été transformés au préalable en poudre ou pâte de chocolat. Cet investissement représente moins de 30 milliards de FCFA alors qu’il pourrait rapporter gros.
Il est important que l’État ivoirien mette la main sur la transformation du cacao sur son territoire. C’est l’État qui construit les routes et les hôpitaux en plus de régler les autres problèmes qui se posent aux populations. Il doit donc s’enrichir pour éviter de finir champion dans la course à l’endettement. Une fois le cacao transformé en poudre et pâte de chocolat, un marché international du chocolat doit être créé à Abidjan. C’est l’État qui fixerait le prix du produit déjà transformé à une barre minimum de 10 euros/kg, donc 6500FCFA/kg.
Le paysan pourrait alors être rémunéré entre 4€ et 5€/Kg, soit jusqu’à 3280€/kg. Avec une telle rémunération, le paysan pourrait gagner avec ses 400kg pour un hectare près de 1 300 000 FCFA. Les deux récoltes pour l’année lui permettraient de gagner 2 600 000 FCFA, ce qui va faciliter la scolarisation de ses enfants et leur développement.
Avec le reste de l’argent, l’État ivoirien pourrait aisément salarier les travailleurs de ses usines de transformation de cacao et réaliser de grosses plus-values qui lui permettront d’au moins doubler son budget annuel présentement de 8 621,1 milliards de FCFA sans contracter de dettes. Le financement d’école, la réalisation des routes, les constructions d’écoles, d’hôpitaux et la modernisation du pays deviendraient une réalité sans endetter les générations futures.
Outre dans la culture du cacao, l’État pourrait prendre les mêmes mesures de transformer avant exportation pour d’autres cultures. Ces autres produits gagneront en valeur et rapporteront donc plus d’argent aux paysans.
L’impact d’une juste rémunération des planteurs sur l’immigration
Une bonne rémunération des planteurs serait pourtant une bonne arme dans la lutte contre l’immigration. Plutôt que financer les voyages clandestins de leurs enfants, la Côte d’Ivoire étant la première ou deuxième nationalité avec le plus d’immigrés en Europe, en France notamment, les paysans ivoiriens pourraient retenir leurs enfants sur place dans le pays avec la juste répartition de l’argent du business du cacao.