Au cours de son allocution lors de la cérémonie de prestation de serment du président Alassane Ouattara, lundi 14 décembre 2020, Mamadou Koné, président du Conseil constitutionnel, a tenu des propos qui ont provoqué une onde de choc.
Arsène Touho à Mamadou Koné: « Vous dites que le 3e mandat de M. Ouattara est constitutionnel pendant que les Pr Bleou, Wodié, plus fiables que vous en Droit, disent que c’est inconstitutionnel »
“Certains Ivoiriens se sont invités dans le débat constitutionnel alors qu’ils n’ont que pour seul diplôme, leur extrait de naissance”. Ainsi s’exprimait, lundi, Mamadou Koné, le président du Conseil Constitutionnel, lors de l’investiture du président Alassane Ouattara, réélu au terme du scruton présidentiel du 31 octobre 2020. Cette sortie du juge constitutionnel a tout de suite suscité une onde de choc sur les réseaux sociaux.
Journalistes, juristes, hommes politiques et citoyens lambda, n’ont pas mis assez de temps pour apporter la réplique. « Merci Tonton pour cette marque de haute considération, mais sache que, quel que soit leur domaine d’application, cent kilos de diplômes vaudront toujours moins qu’un gramme d’intégrité », a réagi Éric Dohou, cadre de LIDER (parti politique du président Mamadou Koulibaly).
« La guerre des interprétations de la constitution a étouffé le juge constitutionnel. C’est son droit. Mais pas celui de manquer de respect au peuple de Côte d’Ivoire. Le peuple est justement un tout : ceux qui sont bardés de diplômes et ceux qui, pour une raison ou une autre, traînent au sous-sol de la République et qui n’ont pour « tout diplôme que leurs extraits de naissance », a, quant à lui, réagi Fernand Dedeh.
L’ancien journaliste sportif de la RTI ne cache pas sa déception face cette « grave sortie de route » du juge constitutionnel. « Non, Monsieur le Président, vous m’avez choqué. Vous avez été trahi par votre discours. Il n’était plus technique. Il était politique, partisan et injurieux ! Vous m’avez choqué ! », s’est-il offusqué. Et Fernand Dedeh de rappeler que la liberté d’expression est un droit inaliénable pour tout citoyen ivoirien; qu’il soit bardé de diplômes ou non. « Il n’y a pas un peuple de diplômés qui a tous les droits et un peuple détenteur des « extraits de naissance » qui doit subir. C’est même une injure à la Côte d’Ivoire profonde », a-t-il argué.
Autre réaction aux propos du président du Conseil constitutionnel, c’est celle d’ Arsène Touho, un jeune juriste ivoirien. « La possession de diplôme n’est pas une garantie de compétence. Exp : votre prédécesseur M. Yao Paul Ndré, plus diplômé que vous, assis à votre place, dans les mêmes circonstances, à la même cérémonie et devant le même Chef d’État disait que c’est « le diable » qui l’avait possédé quelques mois auparavant en déclarant M. Laurent Gbagbo vainqueur des élections », a-t-il rafraîchi la mémoire de M. Koné.
Pour lui, la bonne compréhension, la bonne interprétation de la loi n’est ni uniforme pour les professionnels du droit ni garantie par eux. « C’est pourquoi il existe ce qu’on appelle la JURISPRUDENCE qui traduit les différentes interprétations que les juges (qui sont pourtant diplômés) ont d’une même loi. Exp : vous dites que le 3e mandat de M. Ouattara est constitutionnel pendant que les Pr Bleou, Wodié, plus fiables que vous en Droit, disent que c’est inconstitutionnel. Et pourtant, vous êtes tous les trois des diplômés parlant de la même Constitution », a-t-il martelé.