Ex député de Yocoboué-Lauzoua (2011-2016), dans le département de Guitry, l’Honorable LOBOGNON Beugré Samuel récuse la candidature du ministre Amédé Kouakou Koffi au poste de président du Conseil régional du Lôh-Djiboua. Dans l’interview ci-dessous, l’ancien Directeur de campagne du Président de la République, Alassane OUATTARA, dans la sous-préfecture de Lauzoua en 2010 et ensuite dans la circonscription électorale de Lauzoua et Yocoboué en 2015, donne les raisons de son opposition au choix d’Amédé Kouakou par le RHDP et propose Mme Patricia Yao, « digne héritière de feu le ministre Zakpa Komenan ».
LOBOGNON Beugré Samuel (ex député de Yocoboué-Lauzoua): « Kouakou Koffi Amédé veut mettre la main sur les postes électifs importants de la région pour freiner l’ascension politique des fils du Loh-Djiboua »
On vous a suivi dans une vidéo où vous vous opposez au choix du Ministre Amédé comme candidat du RHDP aux élections régionales 2023 dans la région du Loh-Djiboua. Quelles sont les raisons de votre opposition ? Que reprochez-vous à cette candidature ?
Il y a deux raisons principales parmi tant d’autres raisons. La première raison principale, c’est d’abord que le ministre Kouakou Koffi Amédé est au gouvernement au nom du Lôh-Djiboua. Ensuite, il est le Maire de Divo la capitale du Loh-Djiboua. Enfin, il est Député de Divo sous-préfecture. Donc il est Ministre, Député-Maire de Divo et aujourd’hui, il veut prendre la région. Il veut être candidat pour briguer la présidence de la région. Nous trouvons cela assez pour un seul individu alors que le RHDP regorge de nombreux hauts cadres dans le Loh-Djiboua. On est choqué de voir que c’est à une seule personne que reviennent tous les grands postes électifs de la région.
La seconde raison principale est que monsieur Kouakou Koffi Amédée est à cheval sur plusieurs régions. Il se réclame plus du centre que du Loh-Djiboua. Il est né, a grandi et fait une partie de ses études dans le Loh-djiboua. Aujourd’hui, il vit même à Divo, il occupe les postes de Député-Maire de la ville, ministre pour le compte du Loh-Djiboua. Pendant que nous le prenons pour un fils du Loh-Djiboua, il nous lâche pour créer l’association des cadres pour le développement du centre ( ACCD ) comme si le Loh-Djiboua ne méritait pas aussi le développement.
En quoi cela vous pose-t-il problème?
Son coeur bat plus pour le centre que pour le Loh-Djiboua. Ce qui est normal car c’est sa région d’origine. Nous lui demandons de consacrer un peu plus son énergie à la cohésion sociale et au développement du Lôh-Djiboua. Ce qui n’est pas du tout le cas en ce moment. En termes de cohésion sociale, rien n’est fait. Il se préoccupe plus du développement du centre dont il est le président.
« Nous demandons à Amédé de faire un choix et de libérer les postes qu’il occupe au détriment des cadres autochtones et allochtones »
C’est pourquoi, nous lui demandons sagement d’écouter son coeur en allant se présenter dans l’une des régions du Centre et laisser le Conseil Régional à un digne fils ou une digne fille du Loh-Djiboua, capable de se consacrer corps et âme au développement de notre région. C’est une question de logique.
Ça vous dérange que le ministre Amédée Kouakou soit également à la tête de l’ACCD ?
Aujourd’hui, en plus de Divo, il est désormais basé à Toumodi sa terre natale. Il participe à tous les événements qui ont cours dans le centre avec son titre de président de ACCD. Nous ne sommes pas opposés à cela mais nous lui demandons de faire un choix et de libérer les postes qu’il occupe au détriment des cadres autochtones et allochtones qui n’ont que le Lôh-Djiboua comme seule région. Ce que nous remarquons, c’est que le ministre Kouakou Koffi Amédée veut mettre la main sur les postes électifs importants de la région du Loh-Djiboua et ensuite se retrouver au centre du pays pour parler de développement, juste pour freiner l’ascension politique des fils du Loh-Djiboua.
Mais en dénonçant cette candidature, vous ne craignez pas qu’on vous taxe de xénophobe ou de tribaliste ?
Non! Je ne suis ni un xénophobe ni un tribaliste car je n’ai jamais appelé à exclure un groupe ethnique. Ce que nous demandons, c’est juste que le conseil régional revienne à un autochtone. Nous n’avons aucun problème que le député du chef-lieu de région Divo soit Malinké ou que le maire, Akan. Seulement, nous disons qu’il est inadmissible que le poste de Président de la région, échappe à un autochtone Dida. Le rôle des autochtones dida ne doit pas consister uniquement à faire la libation lors des grandes cérémonies.
Vos propos expriment la frustration…
Amédé Kouakou est le seul ressortissant du Lôh-Djiboua qui siège au gouvernement, au nom de cette région, depuis l’avènement du président Alassane Ouattara au pouvoir. Je signale qu’aucun cadre Dida, originaire de cette grande région, n’a jusque-là été appelé au gouvernement … Ce qui est déjà une frustration pour le peuple du Lôh-Djiboua, là où certaines régions ont 2 voire 3 ministres. On est choqué de voir que c’est à une seule personne que devrait revenir tous les postes d’une région dont il n’est pas originaire comme il le démontre lui-même. Nous espérons que le Président Alassane Ouattara corrigera cette situation.
Qu’est-ce que ça vous a fait de voir un grand nombre de chefs, réclamer la candidature d’une fille de la région et par la suite, moins d’une semaine après, aller demander pardon au Ministre Amédé? Comment vous vous êtes senti après cette situation ?
En effet, il y a plusieurs sorties des chefs des trois départements que sont Divo, Lakota et Guitry, pour demander à la haute direction du RHDP de choisir une fille ou un fils autochtone comme candidat au conseil régional du Lôh-Djiboua. Ensuite, dans la dernière semaine de l’année 2022, les Chefs se sont réunis à leur siège de Lakota et ont fait une déclaration dans laquelle ils ont contesté la candidature du Ministre Amédée et ont proposé la candidature de leur fille Yao Patricia. Ce sont ces actions que les chefs du Loh-Djiboua ont menées. La soit-disant cérémonie de pardon à laquelle vous faites allusion n’est intervenue qu’à la suite de nombreuses menaces et chantages comme il est de coutume dans le Lôh-Djiboua avec le ministre Amédé Kouakou.
Et pourtant, ces chefs paraissaient sincères ce jour-là…
Quand on vous dit que si vous ne soutenez pas la candidature du ministre Amédé, vous n’aurez pas de bitume ou d’infrastructures routières, vous faites comment ? Regardez la route Divo – Hiré dont les travaux ont été interrompu pendant deux ans pour des raisons d’humeur. Il a fallu qu’une délégation de chefs traditionnels de Hiré, avec à sa tête le ministre Joseph Dja Blé, fils de Hiré, aille faire allégeance auprès du ministre Amédé Kouakou pour que les travaux de bitumage, reprennent.
« Pour le moment, personne n’est encore candidat du RHDP pour les régionales dans le Loh-Djiboua »
Voici ce à quoi on est confronté dans le Lôh-Djiboua: le chantage du bitume. Voilà pourquoi nous ne blâmons pas les chefs parce que nous savons qu’ils ont agi sous l’effet de la contrainte. Mais le Ministre Amédé, dans son intervention, a dit que le grand pardon se fera à Divo… C’est la preuve qu’il est l’initiateur du pardon. Puisque chez nous, c’est l’initiateur qui détermine le lieu du pardon.
Au regard de la situation qui prévaut, est-ce que vous pensez qu’il y a encore une possibilité pour la direction du RHDP de revoir son choix ?
Nous, c’est notre souhait puisque c’est une liste provisoire que la direction du RHDP a publiée en décembre dernier. La décision finale revient au Président du parti. Pour le moment, personne n’est encore candidat du RHDP pour les régionales dans le Loh-Djiboua.
Est-ce que vous avez des noms de cadres que vous souhaiteriez proposer comme candidats pour le RHDP aux élections régionales ?
Oui bien-sûr. Nous avons de nombreux hauts cadres du RHDP dans le Loh-Djiboua, surtout notre sœur Yao Patricia qui est la Directrice de Cabinet de la Première Dame, Madame Dominique Ouattara. Elle pourrait être la candidate du consensus, surtout qu’elle avait déjà été sollicitée par plusieurs chefs issus des trois départements du Lôh-Djiboua.
Vous êtes RHDP et là, vous êtes en train de vous opposer au choix de votre parti politique. Est-ce que vous ne craignez pas d’être taxé de militant indiscipliné par exemple ?
Ce n’est pas de l’indiscipline mais plutôt une alerte que nous lançons en direction du parti pour qu’il réexamine son choix. Nous ne voulons pas mettre le Rhdp en danger avec un candidat contesté dès le départ.
Pensez-vous que le fait que le ministre Amédée Kouakou revendique son appartenance au grand centre, cela peut être un atout pour lui lors des futures élections régionales dans le Loh-Djiboua au regard de la forte présence de ressortissants de cette zone du pays ?
Aucunement. Regardez-vous même les derniers résultats des élections législatives à Divo. C’est pratiquement de justesse qu’il a gagné face au candidat du PDCI et au candidat indépendant d’alors, Me Zéhouri Bertin, qui avait même introduit une requête en invalidation de son élection.
« Je milite pour le choix de notre fille Patricia Yao qui est la digne héritière de feu le ministre Roland Zakpa Komenan
Même dans les villages peuplés en majorité par des ressortissants du centre dont il se réclame, Amédé n’avait pas fait mieux. C’est dire combien de fois, cette tendance à s’accrocher au manteau de président de l’ACCD n’est qu’un leurre.
Quel commentaire vous inspirent les difficultés au niveau du choix du candidat du RHDP dans le chef-lieu de région Divo où, selon des sources, la candidature de la députée de Yocoboué, Nadine Gbeba, serait préférée à celle du député de Divo commune, Famoussa Coulibaly ?
Je n’ai pas de position tranchée face à cette situation. Mais ce que je peux dire, c’est que le choix du candidat du parti, doit se faire sur la base de critères objectifs. Il faut que le candidat du RHDP à Divo, soit une personne dont la capacité de mobilisation est reconnue par tous; une personne qui a déjà fait ses preuves à Divo. L’objectif recherché, c’est la victoire du parti. On ne peut pas imposer un candidat qui n’a aucune base, aucun lien avec les militants voire les populations locales.
Au regard des tensions nées suite au choix du candidat du RHDP, est-ce que vous avez un appel à lancer à l’endroit des populations et également à l’endroit des chefs traditionnels qui continuent de subir beaucoup de pression depuis un moment ?
Je demande à nos chefs et aux populations du Loh-Djiboua, de garder leur sérénité et de ne pas se laisser manipuler. Qu’ils fassent confiance au président du parti, le président Alassane Ouattara, à qui revient le dernier mot. Me concernant, je n’ai qu’un seul souhait, c’est la victoire du RHDP et non celle d’un individu. Voilà pourquoi, je milite pour le choix de notre fille Patricia Yao qui est la digne héritière de feu le ministre Roland Zakpa Komenan, en termes de rassemblement et d’humilité.
Mieux, Yao Patricia, bien que n’étant pas présidente de région, pose depuis longtemps des actes concrets dans tous les départements, qui montrent qu’elle est soucieuse du développement de la région. Néanmoins, si le choix du ministre Amédé est entériné, on s’alignera mais ce choix ne sera pas sans conséquence sur le terrain et on ne dira pas que nous n’avons pas prévenu.