La plateforme CAP-Côte d’Ivoire a tenu samedi dernier son premier meeting à la place Figayo de Yopougon. L’événement a connu une mobilisation populaire impressionnante, mais la stratégie de positionnement des différents acteurs en son sein a attiré l’attention par ses zones d’ombre et ses jeux d’influence.
Pour qui roule CAP-Côte d’Ivoire ?
Composée du PDCI-RDA, du FPI, du COJEP, du MGC de Simone Ehivet Gbagbo et de plusieurs autres partis politiques, la coalition CAP-Côte d’Ivoire se donne pour objectif de porter les revendications de l’opposition ivoirienne. Parmi celles-ci figurent la révision de la liste électorale, la représentation équitable dans la commission centrale et surtout l’éligibilité de leaders politiques tels que Laurent Gbagbo, Tidjane Thiam, Charles Blé Goudé et Guillaume Soro.
Cependant, ce premier grand rassemblement a été marqué par l’absence physique de Tidjane Thiam, président du PDCI-RDA, principal parti de l’opposition. S’il s’est adressé à la foule via vidéoconférence, son absence prolongée sur le sol ivoirien commence à semer le doute au sein même de ses partisans. À quoi joue Tidjane Thiam ? En politique, la vacance de leadership laisse rarement un vide longtemps. Simone Gbagbo (MGC) et son complice Charles Blé Goudé (COJEP) en ont profité pour s’imposer progressivement comme figures de proue du mouvement.
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La mise en scène du meeting n’a pas été anodine : Charles Blé Goudé a ouvertement dessiné une carte de représentativité au sein du mouvement avec une prise de parole habile, mais tranchante, glissant quelques peaux de bananes sur le chemin du FPI. Le FPI de Pascal Affi N’Guessan, par exemple, a été quasiment occulté du discours officiel du chargé de mobilisation, Charles Blé Goudé, qui a cité le PDCI, le COJEP et le MGC, avant de conclure par un vague “…et les autres partis politiques”. Une omission lourde de sens bien perçue par Pascal Affi N’Guessan, qui y a répondu avec le doute de certaines ambassades sur le fait qu’il n’y a que le PDCI et le FPI qui ont des élus au sein de cette coalition. Tout est dans la subtilité…
Derrière cette architecture, une hiérarchie tacite dessine : le PDCI-RDA, fort de son poids électoral, garde la première place sur le papier. Ensuite vient le MGC, qui bénéficie d’une forte visibilité médiatique, suivi d’un Charles Blé Goudé qui se positionne habilement en faiseur de roi. À l’arrière-plan, certains observateurs discernent la main stratégique de Simone Gbagbo, qui, en s’appuyant sur Charles Blé Goudé, pourrait se poser comme le plan B consensuel de la coalition, si Tidjane Thiam devait être écarté par la loi.
Cette hypothèse prend de l’ampleur au regard de la situation juridique de plusieurs ténors de l’opposition (Gbagbo, Thiam, Blé Goudé, Soro), tous potentiellement empêchés de se présenter en 2025. Simone Gbagbo, à ce jour non frappée d’inéligibilité, semble se tenir prête à endosser le rôle de candidate unique de la coalition en cas de forfait collectif. Et ce scénario, quoique tactique, n’est pas dénué de logique : en l’absence de plan B clair dans les partis comme le PDCI-RDA, le PPA-CI ou GPS, la stratégie d’une candidature unique pourrait s’imposer par défaut.
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Mais ce serait aussi une erreur stratégique majeure pour le PDCI-RDA de miser uniquement sur Tidjane Thiam sans alternative. Certains cadres du parti, absents volontairement du meeting, refusent de cautionner une orientation qui pourrait mener à l’effacement du PDCI de la présidentielle, si la candidature de Thiam est rejetée. Pour eux, le “Tout sauf Thiam” n’est pas une option, mais l’absence d’un plan B équivaut à un suicide politique.
Ce meeting a révélé une coalition fragile, traversée par des ambitions individuelles déguisées sous le voile de l’unité. Cap-Côte d’Ivoire pourrait se révéler être un jeu de dupes, si les partis majeurs ne définissent pas, rapidement et clairement, une stratégie alternative pour la présidentielle. Le Président Alassane Ouattara, dont la candidature devrait être annoncée ce mois de juin, regarde surement tout cela d’un œil amusé.